mercredi 14 janvier 2015

L'année de mes 60 ans : La famille tout court

L'année 2015 marque pour moi le passage au sexagénariat. Je sais. Ça commence par "sexe" mais ce n'est pas aussi palpitant que cela semble en avoir l'air. Ça veut juste dire que je vais avoir 60 ans.

J'ai pensé un bref moment, en accord avec ma nature profonde et habituelle, que je devrais me morfondre toute l'année. Me languir de ma jeunesse qui fout le camp. Me plaindre de me voir transformée en "tamaloù". C'était plutôt déprimant comme programme. Heureusement, avant de l'adopter, j'ai eu un sursaut de sagesse, rendu sans doute possible à cause de mon âge qui avance, et je me suis dit que j'avais le choix de vivre comme une âme en peine ou encore d'embrasser la zénitude que j'essaie tellement d'atteindre. J'ai choisi l'option la plus différente pour moi. Alors, dans le cadre de cette nouvelle attitude, j'ai décidé de faire quelque chose d'amusant, d'intéressant, de passionnant, bref quelque chose de spécial, tous les treize du mois pendant l'année qui vient. Pourquoi aux environs du treizième jour? Tout simplement parce que mon anniversaire tombe le 13 septembre. Et j'ai pensé également relater mes expériences dans mon blog. Voilà donc posées les bases de ce message... et de ceux qui suivront.

Qu'ai-je fait hier pour commencer à souligner le début de mon sexagénariat? Je suis allée à l'aéroport récupérer la Fille partie depuis cinq mois. Elle avait quitté le sol québécois au mois d'août dernier pour étudier à l'Université de Hong Kong pendant la session d'automne, mais elle voulait également découvrir la ville où nous étions allés la chercher il y a déjà 25 ans. Un retour aux sources quoi. Son expédition s'est rapidement transformée en véritable épopée. Grâce à l'aide de plusieurs personnes, dont les médias chinois, elle a d'abord repris contact avec la famille d'accueil que nous avions rencontrée lors de notre séjour à Changsha. Par la suite, elle a découvert qu'elle avait été sous les soins d'une famille qui la considérait comme leur propre fille pendant près d'un an. Enfin, coup de théâtre, elle retrouve sa famille bio. Elle passe ainsi deux jours en compagnie de ses parents et rencontre aussi ses deux soeurs. Je vous passe sous silence les détails de ces retrouvailles car cela regarde uniquement la Fille. Par contre, je peux vous parler en long et en large du bouleversement émotionnel que j'ai ressenti pendant toute la durée de cette aventure.

Ce que j'ai trouvé le plus difficile à gérer, ce sont les sentiments contradictoires qui m'assaillaient constamment. J'étais tout le temps tiraillée entre mon désir de laisser à la Fille l'espace voulu pour vivre cette aventure extraordinaire et ma peur de la voir me délaisser et de perdre ma place dans son coeur. Pourtant, les démarches qu'elles entreprenaient, je les comprenais et je les souhaitais même. Ce casse-tête dont elle cherchait à réunir les morceaux, c'était l'histoire de sa vie qu'elle voulait reconstituer. Comment m'opposer à cette quête? En même temps, je ne voulais pas qu'elle souffre, ni qu'elle soit victime d'abus. Et la distance. J'étais drôlement loin pour l'accompagner. Mais c'était sans doute mieux ainsi. Pas besoin pour elle de vivre ces grandes émotions sous l'oeil parfois trop vigilant de la mère.

Maintenant, comment en suis-je venue à apaiser mon bouillonnement maternel intérieur? Je sais que certains peuvent trouver ça un peu ésotérique mais je crois que la méditation que je pratique quotidiennement depuis plus d'un mois m'a aidée à accepter et à accueillir. Je crois aussi que le fait pour la Fille et moi d'avoir été en mesure d'en parler franchement a permis de clarifier les choses. Ainsi, quand la Fille m'a dit un jour : "Tu sais, maman, je pense beaucoup à toi dans tout ça", j'ai immédiatement senti un baume sur mon coeur inquiet. Et, une autre fois, alors que je faisais remarquer à la Fille que l'on commençait à manquer de qualificatifs pour désigner toutes les personnes qui avaient pris le relais dans sa vie, soit la famille d'accueil, la famille adoptive de Chine, la famille bio, et que je lui demandais comment on devrait désigner notre famille, elle m'a simplement répondu : "la famille tout court". Elle a ajouté : "Quand je parle de ma famille, c'est vous, je n'ai pas besoin de préciser autre chose." Ça me va parfaitement, moi, d'être la mère tout court. Elle est revenue. Hier. Et je suis heureuse. Tout court.