mardi 22 février 2011

Chat NoiArt

Un chat noir
sachant chasser
les noires idées
j'ai rencontré.
Sur mes genoux,
il est venu longtemps ronronner.
Puis s'en est allé
emportant avec lui des perles d'eau gelée.


C'était sur la Colline du Parlement cet après-midi. Il faisait beau soleil. Qu'y faisais-je? Eh! bien, comme chaque fois que je donne rendez-vous à l'Ami en sortant du bureau, j'avais emprunté le chemin des portageurs pour traverser la frontière ontarienne, celle qui mène au ROC. J'aime ce parcours que je rallonge volontairement pour me rendre à la Maison féline située juste derrière la Maison des débats inutiles et puérils.

J'étais contente. Le chat noir, celui que j'avais sauvé la semaine dernière du banc de neige fondant dans lequel il s'était aventuré imprudemment et sur lequel il miaulait à qui voulait l'entendre qu'il avait les papattes mouillées à ne plus savoir à quel Mistigri se vouer, prenait le frais sur le balcon. Je ne sais pas si c'est l'instinct infaillible de ces bêtes que j'adore ou bedon le simple plaisir égoïste de se payer une jouissance rapide mais, dès qu'il m'a vue, il s'est précipité à ma rencontre. Il s'est immédiatement dirigé vers un banc où il a sauté et m'a invitée à m'asseoir. Ce que j'ai fait comme de bien entendu.

La superbe bête aux yeux verts s'est ensuite installée sur mes genoux pour enclencher le moteur à ronron. Je lui parlais comme je vous parle. Pas tout à fait puisque je lui parlais "chat". Il semblait très bien comprendre tout ce que je lui racontais. Il opinait du bonnet d'ailleurs pour signifier qu'il était à l'écoute. Je ne sais pas pourquoi je lui ai même confié mes inquiétudes totonesques. Il a ronronné plus fort. Ça m'a fait vraiment du bien. J'aurais voulu rester longtemps encore mais l'Ami m'attendait et, pour dire la vérité, je commençais à geler du postérieur sur le banc de bois. J'ai donc repris la route. Le coeur plus léger.

Qu'allais-je faire avec l'Ami? Visionner le documentaire Waste Land, en nomination pour les Oscar, qui raconte le projet de Vik Muniz, un artiste en arts visuels. Ce dernier s'est rendu dans un immense dépotoir du Brésil pour photographier des ramasseurs de déchets. À partir de ces portraits, il a créé des oeuvres faites de déchets avec l'aide des ramasseurs qui lui ont servi de modèles. Il y a fait des rencontres absolument extraordinaires et a assisté à l'éveil de ces hommes et de ces femmes à la recherche d'un peu de dignité. C'est profondément touchant. Comment encore une fois demeurer indifférent à la pauvreté, à l'inégalité, à la misère? Et l'art, qui sert ici d'exutoire, d'élément déclencheur, d'outil de transformation, prend tout son sens. L'art, un simple divertissement? Beaucoup plus que cela.

La démarche de Vik Muniz fait réfléchir. Elle pose des questions importantes. Elle nous interpelle. C'est là le rôle formidable de l'art. Nous brasser les idées reçues, les préjugés, les opinions toutes faites. Nous remuer le coeur et l'âme. Nous donner espoir. Nous bouleverser. Nous faire fondre en larmes.

Un chat noir
sachant chasser
les noires idées
j'ai retrouvé.
Il a cueilli mes larmes pour les sécher.
Puis, s'en est allé.

1 commentaire:

  1. Chère Marcheuse, vos deux derniers paragraphes devraient servir de fondation aux "Maisons" d'appui à la culture! L'édifice serait mieux ancré dans notre réalité, et bien plus inspirant!

    J'aime votre belle poésie. Bravo!

    L'amie yogini

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