vendredi 8 octobre 2010

Branle-bas de combat

Et dire qu'en revenant du travail hier soir, je pensais avoir uniquement à expier mon péché de gourmandise du midi, soit un paquet de six gros biscuits au chocolat. Pour me faire pardonner, Mon Père, et avant que vous ne m'infligeassiez ma pénitence, permettez-moi de préciser que j'en ai avalé seulement trois. Je sais, je sais. J'ai encore les os un peu trop enveloppés pour prétendre à mon poids santé et à la liberté de gavage que cela m'octroierait. Trois, j'insiste quand même sur ce point, ce sont des calories superflues ingurgitées pour cause d'inactivité de mes neurones. Si je ne peux penser, je peux encore au moins digérer!

Bon là j'espère que la Nière littéraire est aux aguets car j'ai employé deux verbes dans le paragraphe précédent à des temps et mode dont je ne suis pas du tout certaine de l'emploi. Mais comme d'habitude, je m'éloigne de mon propos.

Retour en arrière. On est hier soir. Il est environ 16 h 45. Je déambule sur le trottoir en direction de la maison où m'attend l'Homme qui était en congé pour la journée. Je traverse la rue et me dirige vers le balcon laissant ma douce moitié poursuivre sa conversation avec le voisin d'en face. Mais le voilà qui m'arrête net en me demandant de me rendre au garage. "Viens voir", me dit-il tout fier, "j'ai réussi à capturer les deux Dupont(d). Ils sont dans la cage que nous utilisons pour amener nos chats chez le vétérinaire." Mon sang n'a fait qu'un tour. C'est qu'il avait raison. Les minets, piteux, étaient couchés l'un contre l'autre et semblaient regretter amèrement la gourmandise - toujours ce vilain péché auquel on succombe par trop facilement - qui les avait entraînés vers le plat de nourriture habilement placé dans la cage par l'Homme tendeur de piège.

Je caresse mes deux bébés noirs à travers les barreaux et me transforme immédiatement en Madeleine. L'Homme ne comprend plus rien. "Je pensais que tu serais contente. Est-ce que ce n'est pas ce que tu voulais, les attraper tous les deux en même temps, pour ensuite aller les confier à la SPCA?" "Oui, oui, bien sûr", que je réponds en sanglotant. "Mais je croyais avoir encore du temps avec eux." Pendant que je m'entendais parler ainsi, je ne pouvais m'empêcher d'admettre en mon for intérieur que l'Homme venait de me rendre un immense service. "Pars tout de suite, je ne suis plus capable de les regarder." Il s'est emparé de la cargaison féline et moi je suis allée bien vite enfiler mes habits de Marcheuse. Je me suis branchée sur le métal comme jamais. Quand je suis revenue à la maison, mon aventure avec la famille Tournesol était chose du passé.

Comme si je n'avais pas eu assez d'émotions avec cette séparation, j'ai dû procéder in extremis au sauvetage de trois de mes barracudas ce matin. Heureusement, j'étais en congé. Je finissais de déjeuner en compagnie de l'Homme à qui j'avais demandé s'il pouvait m'aider, avant de quitter pour le travail, à retirer le filet placé sur l'étang pour empêcher les feuilles de s'y ramasser. Il en était tombé beaucoup et  le filet s'enfonçait dangereusement dans l'eau. En allant porter ma tasse de café dans la cuisine, je jette un coup d'oeil par la fenêtre afin d'évaluer l'état des lieux. Stupeur et tremblements!! J'aperçois un de mes koïs dans la partie peu profonde en train de chercher visiblement son air. Je sors dehors à toute vitesse. Je vois qu'il y en a un autre plus loin qui fait la même chose. Je suis désespérée.

Je rentre en trombe dans la maison et je crie à l'Homme, qui est toujours en pyjama : "Vite, vite, dépêche-toi à t'habiller et viens m'aider. Les poissons sont en train de mourir!" Et je ressors aussi rapidement que j'étais entrée. Je me précipite sur le bord de l'étang et, ne faisant ni une ni deux, je retire toute seule le filet. Et là, horreur, j'en trouve un troisième qui est pris sous les feuilles et qui cherche lui aussi à respirer. Comment vous décrire ce spectacle désolant? C'est qu'ils sont gros mes barracudas. Et je ne les avais jamais vus d'aussi près. Ils étaient presque échoués en fait. J'aurais pu leur tenir les nageoires comme on tient la main à un mourant. Je ne savais plus quoi faire.

Je retourne dans la maison. L'Homme n'a pas encore enfilé ses pantalons. "Où est la pompe? Où as-tu mis la pompe?", que je lui crie en courant comme une folle dans les escaliers menant au sous-sol. Finalement il arrive, s'empare de la pompe et me suit dehors car je suis déjà ressortie au pas de course. La pompe est branchée. Les bulles se multiplient à la surface de l'eau. Et moi je peine à regarder mes poissons chercher leur air à la surface en priant pour que l'arrivée d'oxygène soit suffisante pour les sauver. Comme je ne peux rien faire d'autre, je prends le filet et commence un nettoyage en profondeur. J'enlève férocement toutes les feuilles qui flottent et toutes les feuilles qui ont trouvé refuge dans le bassin mais qui se trouvent encore à ma portée.

L'Homme doit partir travailler. Moi j'entreprends de veiller mes poissons. Je reste dehors tout l'après-midi. Je remplis cinq immenses sacs avec les feuilles qui jonchent le terrain. Mais j'effectue surtout un va-et-vient constant entre mes tas de feuilles et le bassin. J'en profite pour retirer la moindre petite feuille qui ose se déposer sur l'eau. Finalement, il me semble que les poissons semblent bouger davantage. L'un d'entre eux s'est même aventuré vers la partie plus profonde en nageant de façon normale. Après une éternité pour moi, et sans doute pour eux aussi, les deux barracudas qui jouaient à la baleine échouée sur le rivage retournent dans la partie creuse. Plus tard, je verrai même la troupe presque au complet en train de nager autour de la pompe. Je crois que le pire est passé.

Me reste maintenant à m'informer comme il se doit avant que l'hiver arrive pour de bon. Je me suis jointe à un forum qui regroupe des amateurs de bassins. Leurs conseils sont judicieux. Je vais me doter d'un bulleur. Et faire des tests d'eau aussi. Et replacer le filet en faisant plus attention à la façon de l'installer pour que les poissons ne se retrouvent plus en aussi fâcheuse position. Mais, malgré tout, j'ai un doute. C'est vraiment froid l'hiver. Et trois pieds, c'est pas si profond que ça. Juste assez pour devenir une tombe.

1 commentaire:

  1. Ooh, c'est dur la vie avec des animaux... C'est si mignon qu'on s'attache, parfois plus que de raison... J'ai une amie qui a perdu un chat aussi récemment, pauvre Zorro... Des fois je me dis que c'est aussi bien que je sois allergique et que je doive les repousser, ça me sauve sans doute de quelques tristesses. Les humains durent plus longtemps.
    Pour ce qui est des temps de verbes, il y a infligeassiez pour lequel l'imparfait du subjonctif ne me semble pas vraiment nécessaire... Un subjonctif présent (infligiez) aurait suffi à mon sens. Sinon je ne vois rien d'autres! Était-ce du mot "octroierait" que tu doutais?
    Bref, j'espère que l'automne ne te causera plus trop d'angoisses, après tout, c'est une saison si jolie!

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