samedi 23 octobre 2010

Symphonie pathétique

Vous savez comment je me sens depuis jeudi soir? Pathétique. Est-ce que c'est mieux que morose? Je ne sais pas trop. Mais voilà comment tout a commencé.

À la fin de ma dure journée de labeur, je me trouvais à l'arrêt d'autobus piaffant presque d'impatience à l'idée de retrouver mon chez moi. Je ne crois pas vous avoir dit que, depuis mon retour au boulot, c'est l'enfer du trafic, matin et soir. C'est que, comme bien d'autres municipalités de notre belle province, nous avons nous aussi été gâtés par les largesses de l'enveloppe fédérale accordée aux infrastructures. Résultat : il n'y pas une rue qui n'est pas en train d'être creusée, asphaltée, élargie, cimentée, pistonnée, et que sais-je encore. Comme je l'ai lu ou entendu quelque part, c'est ceusses qui ont investi dans les cônes orange qui sont contents et qui engrangent les dollars!

Bref, j'attendais donc mon transport en commun. J'ai laissé passer le premier véhicule qui aurait pu m'amener à bon port parce qu'il était trop plein. "Ben voyons donc", que je vous entends me crier à l'oreille. "C'est pas un p'tit séjour accrochée au poteau qui va te faire mourir". Effectivement non. Le hic, c'est qu'il n'y a plus de petits séjours dans l'autobus. Tenez, là, jeudi, drette à l'arrêt où j'attendais, il y avait un camion d'Hydro Québec qui bloquait la voie des autobus. Et juste un peu plus loin, là où les autobus justement tentent d'emprunter la voie qui leur est réservée, se trouvaient, je vous le donne en mille, des cônes orange! Depuis trois semaines, les autobus qui vont dans mon quartier, parce que ce dernier est dévasté comme si une bombe venait d'y éclater, font leur parcours à l'envers. Le trajet qui me prenait environ 20 minutes s'est transformé en une expédition d'au moins 60 minutes. Alors, pour le court séjour, on repassera.

De guerre lasse, et parce que je ne voyais aucun signe d'amélioration dans la situation du trafic qui ne cessait de s'alourdir, j'ai décidé de grimper dans le deuxième express qui s'est offert à moi. Évidemment j'étais débout. Évidemment j'étais accrochée à un poteau. Et c'est là que je me suis trouvée pathétique. Je me sentais comme si je venais d'embarquer dans un wagon à bestiaux en direction de l'abattoir. Je pensais même ne pas être capable de me rendre tellement j'étais découragée à l'idée que je devrais, pendant l'heure qui allait suivre, faire des efforts continuels pour garder mon équilibre à travers les hoquettements continus d'un autobus tentant de se frayer tant bien que mal un passage vers sa destination ultime. Je me sentais si vieille. Et observer les autres personnes autour de moi ne faisait rien pour me remonter le moral. Je voyais bien qu'elles ne semblaient pas plus heureuses que moi d'avoir à adopter la station debout, mais elles étaient ô combien plus agiles et plus désinvoltes face à leur sort. C'est là que je me suis dit que c'était temps que ça finisse. Trente-quatre ans de transport en commun m'ont usé le corps et la patience. Je constate, avec consternation, que je n'ai plus l'énergie pour vivre ça. Trop fatiguée.

Hier, c'était congé. Pas d'autobus à prendre. Le bonheur total. J'ai décidé de marcher pour aller chez le coiffeur, comme je le fais presque toujours maintenant. Je sors de la maison vers 8 h. Il fait froid mais je suis habillée chaudement. J'ai encore un peu mal dans le cou et dans le dos après mes prouesses d'équilibriste de la veille. Qu'importe. Je sais que le grand air me fera du bien. J'entame mon parcours dans les rues du quartier et croise des écoliers. Sur un des trottoirs, j'arrive à la hauteur d'une fillette de sept ou huit ans. Elle marche vite. Plein de petits pas rapides. Je me dis que je vais éventuellement être capable de la dépasser. Nenni. Ses enjambées, bien que plus courtes que les miennes, sont drôlement plus efficaces. Quand nos chemins ont finalement pris des directions opposées, elle était toujours devant moi. Pathétique. "Vraiment, ma vieille, ça s'arrange pas. Même après des années d'entraînement, t'es pas foutue de marcher plus vite qu'un enfant du primaire. Bravo! Je dis bravo!", soliloquai-je. Et pour ajouter à mon larmoyant constat, j'ai aussi été dépassée un peu plus loin par un ado à capuchon qui ne semblait pas marcher si vite que ça. C'est plutôt moi qui croyais avoir un bon pas! Un pas de vieille baderne, ça c'est sûr.

Et ce soir, c'est au souper que je me trouvais pathétique. Assise en face de l'Homme en train de manger. Tous les deux, seuls, avec pas un bruit, sauf ceux que nous tentions d'étouffer en mangeant notre potage. Qu'avions-nous à nous dire après toute une journée ensemble sans voir encore une fois âme qui vive? Nous avions abondamment commenté les journaux en prenant notre café du matin. Nous avions devisé en ramassant les feuilles une bonne partie de l'après-midi. Et nous avions échangé en préparant le repas. Que restait-il à discuter, je vous le demande? Rien. Je vous le dis, pathétique.

Tout à l'heure, j'ai appelé le Fils pour la deuxième fois aujourd'hui. Parce que j'avais encore envie d'entendre sa voix. Il y a environ vingt minutes, c'est l'Homme qui l'a appelé. "Quoi! tu ne lui as pas téléphoné toi aussi", que je lui ai dit avec un semblant d'air de reproche. Mais qui suis-je, vraiment, pour donner des conseils sur les comportements pathétiques des personnes qui sentent le tapis leur glisser sous les pieds?

Pendant ce temps, sur un autre continent, la Fille se dirige vers la Corse :

Demain, c'est donc le départ vers Toulon d'où je prendrai un bateau de nuit vers le port d'Ajaccio. J'y passerai la journée à visiter et mon hôte, une sérigraphe professionnelle, viendra me chercher en après-midi. J'ai vraiment hâte. On m'y a promis de magnifiques paysages, des tas et des tas de randonnées, des plages qui en ce moment sont très peu fréquentées.

Est-ce que "pathétique", ça s'épelle "E N N U I"?

3 commentaires:

  1. Il y a d'autres numéros à appeler si vous vous ennuyez!!

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  2. Je sais, mais ce n'est pas tant l'ennui que l'adaptation à une nouvelle réalité qui sera maintenant la nôtre maintenant qui me dérange le plus. Des fois, ça me fait un peu peur parce que je me trouve encore jeune pour vivre une vie de vieille! :)

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  3. Personne n'a besoin de vivre une vie de vieux! Il suffit d'un peu d'imagination! Je te souhaite de trouver l'inspiration bientôt!! :D

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