vendredi 18 mars 2011

Démêler le vrai du faux

Je suis devenue maître du faux-semblant. Ainsi, au moment où je vous écris, je fais semblant que le bruit des travaux effectués de l'autre côté de la rue ne me dérange pas. Non. Toute la journée, j'entends le marteau-piqueur et son incessant martèlement. Pire qu'une migraine. Un véritable supplice chinois. J'ai parfois l'impression que je vais me mettre à crier pour demander grâce. Mais ce serait inconvenant. Pour notre employeur. Après tout, nous sommes pour lui sa ressource la plus importante. Oui, oui, il le repète toutes les fois qu'il a l'occasion de nous bourrer le crâne de fausses vérités. Pour nous convaincre notamment de la place prépondérante que nous occupons dans son quotidien, il nous informe régulièrement du suivi des travaux. Nous avons donc appris récemment par courriel interposé que nous devrons prendre notre mal en patience pour plusieurs mois encore. Des heures de déplaisir en perspective! Je me console en pensant que je n'aurai pas au moins à assister à la fin du fameux projet d'infrastructure.

Parlant de fin, justement, je fais aussi semblant de plus en plus souvent d'être intéressée par ma vie professionnelle. Pourtant, je suis à la dérive. Je rectifie pour être plus positive : je suis plutôt à la croisée des chemins avec un pied toujours dans la réalité du pain à gagner et un autre dans la venue prochaine de la farniente pour l'éternité. Quoi? Vous trouvez que j'ai l'humour noir? Vous avez raison.

Et cela m'amène à mon prochain faux-semblant. J'ai l'air, comme ça, de vivre avec zénitude l'aventure totonesque. Que je vous dupe, que je vous berne et que je vous trompe! Cela n'arrive qu'un faible pourcentage du temps. La plus grande partie de mes journées est consacrée au doute, à l'angoisse, à l'incertitude et à l'écoeurement général. Des fois, je veux que le téléphone sonne pour obtenir enfin le rendez-vous tant espéré pour l'examen qui finira par éclairer ma vie ou l'assombrir pour de bon. D'autres fois, j'ai tellement peur d'entendre le carillon que je voudrais me cacher sous le bureau. Vous voyez le tableau.

Bon, je prends une pause et je m'en vais marcher. Je veux voir si cela va me changer l'énergie.

Je suis de retour. En arpentant les rues du Vieux-Hull, situé à un jet de pierres d'un amas de fonctionnaires, je me suis demandée si j'avais pris la bonne décision. C'est que je me suis bien vite rendue compte que c'était le jour de la collecte des ordures. Et il y avait un vent à écorner les boeufs. Ai-je besoin d'en dire plus? Poubelles renversées, papiers épars, beaucoup, beaucoup de cannettes de bière jonchaient ma route. Et le paysage était franchement désolant. Fonds de cour remplis de vieilles carcasses d'automobiles, galeries adoptant des angles fort inquiétants, maisons victimes d'un incendie ravageur, bref, tout pour remonter le moral. En plus, la photo sur presque tous les poteaux d'un toutou nommé Kingston qui semble être disparu sans laisser d'adresse.

Je revenais un peu penaude de ma promenade en gardant toutefois en tête mon projet d'arrêter à la Maison de thé Cha Yi que mes collègues de l'étage du dessous m'ont fait découvrir cette semaine. Là, ce fut une bonne décision. Je ne sais pas ce qui se passe quand on entre dans cet endroit, mais on y retrouve une énergie semblable à celle qui circule dans le local de yoga. Les gens sont gentils. Patients. Calmes. Ce doit être l'effet des antioxydants. Qu'importe.

Je déguste en ce moment non pas un nectar divin, mais un élixir de zénitude. Et je croque dans un biscuit au chocolat noir et aux fleurs de lavande. Ahhhhhhh!!!

À dire vrai, j'avais tout faux.

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