samedi 19 juillet 2025

Clins d'oeil

 


Je reviens des balançoires. J'emprunte le sentier qui longe la haie des graminées. Pour une fraction de seconde je baisse la tête et je le vois, caché en partie sous le pied d'une plante. Un genre d'escargot ou de limace. Qu'importe. Ce qui me stupéfait c'est sa beauté parfaite. Et ce don que j'ai d'être attentive à ce qui vit autour de moi. Cette petite découverte me réjouit car elle me permet une fois de plus d'être émerveillée par la magnificence de la nature. Bénie suis-je de voir!




"Ne laisse pas le bruit du monde étouffer la voie douce de l'Espérance" (pape Léon XIV)

Je suis inquiète car il ne va pas trop bien ces temps-ci. Alors j'appelle même si j'ai toujours l'impression que je dérange. Comme prévu, il me répond que tout va très bien et qu'il écoute le baseball. Durée de la conversation : 3 minutes et demie. Je raccroche. Je suis triste. Je veux croire que tout est correct et je sais que je dois respecter ce désir de garder tout un peu caché. N'empêche.

J'ai un autre appel à faire. À une personne du même âge mais qui celle-là n'a aucun lien de parenté avec moi. Au fil des mois qui passent, c'est devenue mon amie. Aujourd'hui elle m'a même dit qu'elle me considérait comme une soeur. Je l'adore. On se confie toutes sortes de choses sur nos vies. Pas toujours des choses importantes, mais des fois oui. Elle me parle de son sentiment d'inutilité, de sa solitude parfois, du temps qui n'en finit plus de passer. Elle me remercie toujours de mes appels presque quotidiens. Elle me dit qu'elle les apprécie beaucoup. Moi aussi j'adore lui parler. Je suis persuadée qu'elle me fait autant de bien que je peux lui en faire. Toutes les deux on s'encourage, on rit beaucoup aussi. Cet après-midi, quand j'ai raccroché, j'ai réussi à sourire en repensant à ma conversation précédente. Un sacré clin d'oeil ça pour me rappeler que ce n'est pas toujours auprès de notre famille immédiate qu'on trouve le réconfort. Bénie suis-je d'être capable de développer des liens significatifs avec le monde qui m'entoure!


"Que je ne cherche pas tant à être aimé qu'à aimer." 
"C'est en donnant que l'on reçoit" 
(François d'Assise)

J'ai mal au cou. Je me plains souvent de ça et des autres douleurs musculaires que je ressens. Aujourd'hui c'était une autre de ces journées avec le cou raide, la tête pesante, le genou sensible et le pied mariton. Mais bon ça ne m'a pas empêché de cuisiner quatre douzaines de muffins et d'aller marcher pour changer d'air. De retour à la maison, je commence à emballer tous ces muffins et je me demande bien à qui je vais pouvoir donner une partie de ma production. J'ai déjà des clients réguliers mais ça ne suffira pas. Et là je pense à mes voisines qui éprouvent de gros problèmes de santé. Elles sont tellement fantastiques toutes les deux à s'entraider. De véritables exemples de courage et de résilience. Vite mon cell et j'envoie un texto pour m'enquérir de leur intérêt. Je suis aux anges : elles acceptent mon offre. Je vais livrer tout de go.

Elles m'invitent à entrer pour jaser un peu. Elles me racontent certaines de leurs péripéties en fauteuil roulant que ce soit pour se rendre au travail ou encore aller visiter un haut lieu touristique censé être accessible. C'est époustouflant les temps d'attente, les coûts, les difficultés rencontrées. Et que dire des douleurs qu'elles endurent toutes les deux au quotidien. Voilà que j'ai soudainement moins mal au cou. J'ai juste envie de les prendre dans mes bras. Je prends le temps de leur dire que je les trouve extraordinaires et que je vais les approvisionner en muffins tant qu'elles le voudront bien.

Je retourne à la maison le sourire aux lèvres, les yeux encore mouillés et miraculeusement guérie. Bénie suis-je de t'avoir Toi, là-haut, pour me faire ces clins d'oeil remplis d'amour!

dimanche 6 juillet 2025

Foi estivale

 


Église Saint-Dominique. Grande Allée. Québec. La messe commence bientôt. En attendant, on écoute l'artiste du jour, un violoniste, jouer une oeuvre de Bach. Tous les étés, depuis maintenant 34 ans, la grand'messe du dimanche à 10 h 30 permet aux fidèles de se recueillir accompagnés des notes des musiciens invités. Un très beau complément à l'acte de prier.

Assise sur mon banc en bois, je respire avec ravissement l'odeur des cierges et des restes d'encens. J'admire encore une fois le décor fabuleux de ce bâtiment avec les arches, les vitraux et les statues. Je respire profondément. Je savoure avec toute la conscience dont je peux faire preuve ce moment de recueillement, cette pause bienfaitrice de l'agitation quotidienne. Et là, les larmes montent. Le relâchement des tensions sans aucun doute. Le soulagement de me retrouver dans un refuge encore immuable. 

Les souvenirs aussi montent, surtout qu'il y a beaucoup d'enfants aujourd'hui venus suivre un cours de catéchèse pendant la messe. Je me revois avec le Fils et la Fille à l'église Saint-Jean-Marie-Vianney au bout de la rue où nous habitions à Gatineau. C'était bien avant que l'archevêché la vende pour la transformer en logements. Faut c'qui faut quand nos églises sont désertées. Et je m'inclus dans cet exode massif.

Mais, avant, quand je trouvais que la vie était plus facile, nous allions à la messe tous les dimanches même avec les enfants. Quand ils étaient très jeunes, on s'installait en arrière pour ne pas trop déranger. Puis, avec le passage des années, on s'approchait de plus en plus de l'action. Je me souviens encore avec nostalgie du Fils qui prenait toujours le temps de lire avec moi les réflexions données à la fin du Prions en Église pour mieux vivre notre semaine. Encore maintenant, je cherche cette section pour la parcourir en pensant à toi mon Fils. 

La journée où maman est décédée, la soeur Psy et moi avons quitté l'hôpital en état de choc. C'était les premières minutes de notre nouvelle vie sans notre mère adorée. On ne savait plus trop quoi faire, quoi dire, où diriger nos pas. Je me souviens que la soeur Psy s'est alors tournée vers moi pour me demander: "Où aimerais-tu aller?" Sur le coup, la seule chose qui m'est venue en tête c'est de vouloir me retrouver dans une église. C'est ce que nous avons fait. À Saint-Roch. Mon chagrin n'était pas moins grand mais il était maintenant contenu dans plus grand que moi. Les larmes pouvaient couler sans gêne. De toute façon, me disais-je, combien de personnes sont venues ici avant moi et combien d'autres viendront encore après moi verser toutes les larmes de leur corps pour tenter de soulager une peine incommensurable? Je me sentais entourée, accueillie, comprise par toutes ces statues qui me tendaient les bras en m'offrant leurs visages remplis d'amour. Il a bien fallu sortir à un moment pour poursuivre notre route mais nous avions maintenant un peu de baume sur nos coeurs meurtris.

J'ai arrêté de pratiquer sans trop savoir pourquoi. Ah! oui, l'église vendue. Il fallait dorénavant se rendre un peu plus loin de chez nous dans une autre église. La paroisse a aussi changé de nom. Et il fallait s'habituer à voir des personnes qui ne demeuraient pas dans les rues avoisinantes de notre maison. Il fallait aussi absolument prendre la voiture pour aller à la messe. Moi j'adorais marcher. Mais, bon, ce sont de pauvres excuses. J'ai donc arrêté de pratiquer. Pas tout d'un coup. Progressivement. Et puis, un jour, plus rien sauf à Noël. Des fois aussi pour des mariages ou des funérailles.

Je ne pratique plus mais je n'ai jamais arrêté de prier par contre. Je dirais même que je prie davantage avec les années. Tous les jours en fait. Je nourris ma foi autrement. Ainsi, j'ai écouté très longtemps l'émission La Victoire de l'Amour à la télé. Tous les matins à 5h30 avant d'aller travailler. Je trouvais que ça débutait bien mes journées. J'ai recommencé dernièrement à l'écouter mais je l'enregistre car je ne suis guère matinale depuis la retraite. Je lis aussi des textes sur la spiritualité pour me faire réfléchir et travailler à être la meilleure version de moi-même. 

Cependant, tout cela ne me donne pas l'appartenance à une communauté. Ni le privilège de m'arrêter une heure pour penser à celles et ceux que j'aime et dont je me préoccupe, à prier avec toute la ferveur dont je suis capable pour mes soeurs et frères qui souffrent partout dans le monde et à demander au Seigneur de changer nos coeurs de pierre en coeur de chair. 

Infiniment reconnaissante donc je suis pour ma foi estivale qui me permet de renouer avec mes racines les plus profondes et les plus solides.


Te ressembler chaque jour un peu plus

Te continuer dans nos maisons, nos rues

Être ton corps qui revit aujourd'hui

A chaque endroit où servent tes amis

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Devenir grand en se faisant petit

En s'abaissant pour mieux donner sa vie

En se penchant sur un malade ami

Sur un enfant qui pleure dans la nuit

vendredi 4 juillet 2025

À quoi ça sert?

 


C'est la valse-hésitation. Je vais marcher. Ou je vais écrire. Marcher m'aiderait sans aucun doute à évacuer un peu de mes préoccupations et encouragerait ainsi l'esprit sain dans un corps sain. Hélas, trop de mots se bousculent dans ma tête. Je dois absolument faire le ménage dans mes idées avant de pouvoir profiter pleinement de mes trottoirs chéris.

À quoi ça sert? Depuis deux jours que ces quatre mots trottent dans ma tête. Je suis encore et toujours survoltée par l'état du monde qui ne cesse de se détériorer. Une montée de lait récente m'ayant attiré comme solutions le calme qu'on doit afficher devant la tempête et l'impérieuse nécessité de résister à tout prix à l'idée de jouer au sauveur qui arrive trop tard a fait en sorte que je bouillonne toujours. Et je ne cesse de me demander mais à quoi ça sert que je m'insurge?

Pourquoi est-ce que je m'énerve autant devant les drames qui se jouent constamment devant mes yeux? D'autres personnes voient les mêmes choses et ne semblent pas s'indigner pour autant. 

Si ton frigo est plein, pourquoi te préoccuper des files de personnes qui attendent de recevoir les restes donnés généreusement par nos épiciers trop contents de se débarrasser des céréales, des biscuits et des croustilles dont personne ne veut, de ces conserves à la date d'expiration passée depuis belle lurette ou de ces fruits et légumes tellement défraîchis que j'ai entendu l'autre jour une bénévole dire à une bénéficiaire : "Je dois vous donner au moins trois casseaux de framboises si vous voulez en avoir au moins deux ou trois qui seront bonnes à manger." Je ne la blâme nullement. Elle avait raison. Mais bon, si ton frigo est plein et que tu peux acheter ce que tu aimes, pourquoi t'en faire avec ce genre de détails? Pire, je t'entends déclarer : "Au moins, on leur donne quelque chose à manger et, en plus, c'est gratuit!" Bravo la solidarité!

Si tu dors au chaud dans ton logement ou ta maison, pourquoi tu t'inquiéterais des familles qui n'ont pas trouvé de loyers abordables? Pourquoi ça te dérangerait que des personnes couchent à la belle étoile sur les bancs de parc, sous les viaducs, dans le métro, dans l'entrée des immeubles? J'entends ta seule réaction : "Faut les déplacer, c'est pas des endroits où dormir, ils doivent aller ailleurs, ce n'est pas sécuritaire et ils sont sales." Fort bien. Mais où doivent-ils se rendre? On promet des logements abordables qu'on attend toujours, on manque de ressources pour accueillir les gens démunis, pire, on coupe le financement des organismes censés les aider. Bravo l'empathie!

Si tu vis dans un pays en paix, si tu n'as pas besoin de fuir ton milieu de vie pour sauver ta peau, si tu es un citoyen à part entière avec les papiers officiels qu'il faut pour éviter d'être emprisonné, déporté ou tué, pourquoi tu ne pourrais pas continuer à siffloter tous les matins? Après tout, la vie est belle. Ouais, la tienne mais pas celle des millions de personnes qui meurent de faim, de soif, qui reçoivent quotidiennement des bombes sur la tête, qui pleurent leurs morts, qui n'ont plus l'espoir de s'en sortir un jour. Bravo le partage!

Bon, je n'écris pas pour que tu te sentes coupable. En fait, je suis plutôt jalouse. J'aimerais tellement ça lâcher prise, simplement apprécier ce que j'ai et poursuivre ma route comme si de rien n'était. De toute façon, la tâche est titanesque. Je ne peux à moi seule changer les mentalités, nourrir toutes celles et tous ceux qui ont faim (ça fait beaucoup de muffins à cuisiner!) et héberger les sans-abris. C'est d'un mouvement mondial dont nous avons besoin. Une révolte de citoyens engagés désireux de se libérer une fois pour toutes de ce système de consommation machiavélique qui enrichit les riches, appauvrit les pauvres et nous entretient dans une dépendance malsaine en nous privant de notre autonomie. Je t'entends encore : "C'est comme ça que ça fonctionne. On n'a pas le choix. C'est difficile de faire bouger les choses. Ça pourrait demander du courage, de la conviction, une force inébranlable." Oui, tu as tout compris. 

À quoi ça sert de s'indigner? À se sentir encore humain.