lundi 31 mars 2025

Reconnaissante je suis

 


"À quelle fréquence tu publies ton blog?" me demande A. en m'enfonçant une aiguille dans le ventre.

 "Heu, selon mes humeurs et mes émotions du moment," que je lui réponds en essayant de détendre mon corps transpercé. J'ajoute : "J'avais pris comme résolution d'écrire une chronique par semaine en 2025. C'est vrai que là ça fait plus d'une semaine depuis le dernier blog. Je ne te cache pas que j'ai pensé à plusieurs sujets dans les derniers jours mais comme je suis presque toujours dans la tristesse, dans la nostalgie, même parfois dans le désespoir, je trouve que je n'offrirai pas trop une lecture agréable à mes suiveurs/suiveuses peu importe leur nombre". 

"As-tu pensé à parler de gratitude?" me lance-t-elle en me plantant ses dernières aiguilles dans les bras. "On se revoit dans 20 minutes, bonne relaxation!". Elle sort de la pièce.

Bon, la dernière idée que j'ai reçue pour mon blog m'avait été suggérée par une amie qui trouvait que j'écrivais trop triste et qui me suggérait de raconter des choses drôles. J'avais répondu à son appel mais je crois que je n'avais pas vraiment réussi à livrer la marchandise. Pourtant j'ai le rire facile. Oui, oui. Je peux avoir du plaisir en bonne compagnie. En tout cas. J'adore pas ça les suggestions. Force m'est d'admettre, toutefois, que la gratitude, ça m'accroche. Depuis plusieurs années maintenant (je vous l'ai peut-être déjà  confié mais, à mon âge bientôt plus que vénérable, j'ai le droit de radoter), je m'endors toujours en me rappelant trois choses qui m'ont fait plaisir pendant la journée. Je me rends rarement à trois avant de tomber dans les bras de Morphée. Des fois le matin, au réveil, je me dis "ben voyons, il me manquait encore une chose à trouver hier soir" et je repense à ma journée passée pour compléter mon petit exercice.

Pour ce blog, j'ai envie de vous partager des choses qui continuent à me faire du bien et qui font en sorte que j'arrive à poursuivre mon chemin malgré la grande souffrance que je porte en lien avec le Fils et la Fille depuis plus d'un an maintenant.

Voici donc mon petit palmarès de gratitude. Je ne présente pas mes plaisirs par ordre d'importance, ou peut-être que si après tout puisque je vais les énumérer en fonction de leur apparition dans mon cerveau reconnaissant. À vous d'en tirer les conclusions que vous voulez!

Même après plusieurs années à la retraite, j'éprouve toujours un réel plaisir à petit déjeuner avec l'Homme les matins où l'on n'a pas à se dépêcher pour une occupation quelconque. L'entendre préparer le café pendant que je fais mes exercices d'étirement, couper les fruits que nous allons ensuite déguster en lisant moi mes journaux papier et lui l'info sur sa tablette constituent des moments privilégiés. On discute de notre journée à venir, on décortique l'actualité mais, surtout, on prend notre temps. Deux ou trois heures facilement. C'est encore plus agréable le samedi. On étire, on étire ça au max.

Habiter Québec nous comble. Nous adorons notre condo au rez de jardin avec ses immenses fenêtres dans le salon qui nous renvoient un paysage sublime. On dirait qu'on vit dans un domaine. Des arbres partout, la pelouse vallonée, le chant des oiseaux, la petite terrasse, c'est apaisant. Et je profite de la présence de mon papa et de mes deux soeurs. Être éloignée de ma famille me causait beaucoup de peine. Mes soeurs et moi, on s'entend super bien. Avoir le privilège de vieillir avec elles à proximité me remplit d'une immense gratitude.

J'adore nos activités de bénévolat et la gang de la Popote roulante. On s'y est fait de vrais bons amis. Et que dire des gens chez qui nous allons livrer! Là aussi des liens forts se sont développés et cela fait chaud au coeur.

Je ne peux oublier notre QG, soit notre petit café de quartier que nous fréquentons assidument au minimum deux fois par semaine. C'est là que nous avons découvert qu'on pouvait aimer jouer aux cartes mais c'est surtout là qu'on a rencontré notre grand ami A. avec qui nous irons aux Îles-de-la-Madeleine en septembre. Eh oui, on est rendus là dans notre amitié. On partage des repas ensemble, on se texte plusieurs fois par jour, on se réunit dans les moments forts de l'année, bref on est ainsi jamais seuls. 

Je ne veux pas oublier mon Oscar chéri qui a su consoler mon chagrin au décès de mes deux félines adorées et qui continue, par son amour insatiable, de remplir ma vie de doux ronrons.

Je termine cette liste non exhaustive pour vous parler d'un endroit extraordinaire situé à quelques minutes de marche de chez moi, soit le Centre KA. Un peu à l'image de notre QG, c'est un lieu où je me sens complètement heureuse. Le mercredi, je médite avec un groupe de femmes exceptionnelles. Le jeudi, je fais du yoga avec d'autres personnes tout aussi formidables. À intervalles réguliers, je me fais transpercer la peau pour un mieux-être assuré. Dès que j'ai mis les pieds au Centre la première fois, mon âme a vibré car elle a immédiatement reconnu l'énergie positive, accueillante et aimante qui l'habite. Immense merci donc à vous deux, K. et A., pour ce cocon de calme et de bienveillance.


Je vous laisse avec cette photo d'un cadeau de moi à moi acheté aujourd'hui : un bracelet conçu pour favoriser le calme et la sérénité. Merci A. pour ce bijou et ta suggestion! Les deux me font du bien.

dimanche 16 mars 2025

Vivant? Toujours!

 


Je reviens d'un traitement d'acupuncture. J'ai mal au cou depuis des jours. Je sais pourquoi mais je n'arrive pas à faire le ménage qu'il faut dans ma tête pour la rendre plus légère et apaiser ma douleur. Alors je suis allée me faire transpercer la peau en espérant rétablir un flux magnétique plus harmonieux. Je suis chanceuse. Je peux m'y rendre à pied. Et il fait super beau. Je sens le printemps dans l'air. Je décide donc d'allonger ma promenade en empruntant une rue de plus avant de retourner à la maison.

Elle est là. Juchée dans le gros banc de neige devant sa maison. Elle porte des lunettes de soleil et un drôle de chapeau. Avec sa pelle, elle arrive tant bien que mal à gruger l'iceberg pour en détacher de petits morceaux qu'elle jette ensuite dans l'entrée de garage. Elle semble heureuse d'être là au sommet de ce qu'a été l'hiver. Je la salue. Elle me répond joyeusement et entame immédiatement la conversation. J'apprends ainsi qu'elle est restée confinée à la maison presque tout l'hiver. "Vous savez, je me suis déjà cassée un fémur. Je ne peux pas prendre la chance de m'en casser un autre". Elle a bien raison. Mais là, aujourd'hui, grâce à la clémence du temps, elle a décidé d'aller jouer dehors. "Je suis toujours la première dans la rue à m'attaquer au banc de neige", me déclare-t-elle avec fierté. Comme je la préviens de faire quand même attention, elle me rétorque sans ambages : "Il n'y a pas de danger. Je suis bien enfoncée dans la neige". D'accord. Elle poursuit et m'informe qu'elle vit toujours dans sa maison avec son mari qui a eu 100 ans et a renouvelé son permis de conduire cette semaine. Je suis impressionnée. "Je ne me sens pas encore prête à quitter la maison" qu'elle ajoute devant mon air admiratif. Et là je le vois arriver vers moi le centenaire de sa vie. Droit comme un piquet, il se prépare à aller marcher lui aussi. "Je lui ai dit de sortir. Si je ne le force pas, il reste assis et ne bouge pas. Ce n'est pas bon pour la santé". Elle a bien raison. Je souris en leur souhaitant une belle fin de journée. Ce à quoi elle me lance : "Surtout, profitez de la vie!". Ah la la. Sans le savoir, elle vient de multiplier le pouvoir de guérison des aiguilles. Je sens l'énergie circuler avec rapidité dans tout mon être. Me semble aussi que mes épaules viennent de descendre d'un cran. Comme le banc de neige devant la maison.

L'Homme et moi sommes en visite dans une résidence pour personnes âgées. On vient voir un ami qui s'est retrouvé là contre son gré. Enfin. Disons qu'il a fait en sorte que d'autres prennent des décisions pour lui. L'endroit est sinistre. Un véritable mouroir. À l'image malheureusement du sort que notre société réserve aux aînés qui n'ont pas beaucoup d'argent. Faut bien les placer quelque part. Pour eux, pas de piscine ni de gymnase. Pas de grandes bibliothèques ou de salles de billard. Pas de salle de cinéma ou de salon de coiffure. Pas de beaux grands fauteuils confortables où passer le temps en regardant un feu de foyer ou un paysage bucolique. Pas d'activités non plus si l'on fait exception de la messe, du yoga sur chaise une fois par mois et des quilles en plastique qu'on abat dans le corridor qui sert d'allée improvisée. Un tout inclus de misère quoi!

Pendant que l'Homme jase avec un monsieur dans le corridor, notre ami me confie qu'il a fait une "petite" fugue depuis notre dernière visite. Je ne suis pas trop surprise. Il avait déjà évoqué cette possibilité devant l'ennui mortel des jours qui n'en finissent plus de finir dans cette antichambre de la mort. "Comment as-tu fait pour te sauver?" que je lui demande. "Je leur ai dit que j'allais à la caisse de l'autre bord de la rue." Logique. C'est la seule chose à faire sur des kilomètres à la ronde. "Une fois rendu là, j'ai appelé un taxi pour me rendre chez mon beau-fils". Soupçonnant que le beau-fils en question ne devait pas s'attendre à cette visite imprévue et qu'il n'avait sans doute aucune intention de prendre un nouveau pensionnaire, je lui demande de poursuivre son histoire. "Ben, pour pas qu'ils envoient la police après moi, je les ai appelés pour leur dire où j'étais et aussi que j'allais revenir par mes propres moyens". Et là, il me regarde dans les yeux et me lance : "Ça m'a fait du bien de sortir et de décider quelque chose pour moi. Je me suis dit que j'existais encore et que le vrai moi était toujours là!". Tu as bien fait mon ami. La résistance, ça peut prendre différentes formes. On essaie de t'enterrer alors que tu es toujours en vie. Au déclin de ton séjour ici-bas, voilà que tu dois encore déployer une énergie folle pour garder ta dignité et clamer ton droit d'exister et de disposer de ta vie à ta guise. Oui, résiste!

Bon. Voilà que j'ai de nouveau mal au cou juste à repenser à cette chambre minuscule qui ressemble davantage à une cellule qu'à un milieu de vie. Et j'ai un peu le coeur qui chavire pour mon ami et tous ses compagnons d'infortune qui méritent mieux comme sort. Pour me ragaillardir un peu, je garde à la mémoire ce conseil que la Vie vient quand même de m'offrir cette semaine : Tant qu'on peut grimper sur un banc de neige avec nos lunettes de soleil et prendre un taxi pour fuir afin de se retrouver, tout va!