lundi 20 novembre 2023

Vaut-il mieux en rire qu'en pleurer?

"T'as vu, j'ai publié un nouvel article dans mon blog?", que je dis à l'Amie A. "Non", qu'elle me répond. "Est-ce qu'il est drôle?", ajoute-t-elle. "Pas vraiment", que je suis obligée de lui avouer. "Pourquoi?" que je demande. "Parce que moi j'aime ça quand tu es drôle". Ouais. Ça s'adonne que moi aussi je m'aime mieux quand je suis drôle. Je n'ai pas osé lui dire que je me suis rendue compte depuis un bon bout que, même si j'ai toujours le sens de l'humour, je ne trouve plus grand chose pour me dilater la rate.

Ainsi, devant ce constat déprimant, avais-je déjà décidé la semaine dernière de me concocter une affiche pour tenter de retrouver et, pourquoi pas, découvrir des sources de bonne humeur et de joie de vivre. "Tu vas voir", que j'ai annoncé à l'Homme un beau matin, "ça va nous remonter le moral de prendre conscience des activités qui nous font du bien". Un peu récalcitrant quand même car il me trouve toujours  trop intense, l'Homme propose néanmoins d'ajouter au-dessus des deux bonshommes sourire que je viens de dessiner la mention "Les joyeux troubadours de Charlesbourg". J'adore ça quand il s'enthousiaste pour mes projets farfelus. 

Ça fait donc une semaine que notre baromètre du rire est installé sur le mur de la salle à manger. Nous avons l'ambition de trouver au moins 25 choses qui nous font du bien d'ici Noël. Nous en avons inscrit 4 jusqu'à maintenant. Nous sommes en panne de rigolade depuis quelques jours. Faut mentionner que, désespérés de ne rien observer de probant, nous nous sommes même résolus un matin à chercher des sites de blagues plates sur Internet. On ne riait pas trop au début mais, à force de lire des stupidités, l'éclat de rire est venu : mission accomplie! Un autre jour, j'ai proposé à l'Homme de faire de la rigolothérapie. Nous voilà tous les deux forçant nos rires dans une tentative extrême de sécréter les endorphines bienfaisantes. C'était une tentative avortée, dirais-je, aussi j'ai pris la décision de ne pas l'ajouter au tableau. Malheur aux joyeux troubadours, toujours en panne de facéties.

Je ne comprends pas trop pourquoi je ne ris pas étant donné que le monde qui m'entoure ne cesse de me fournir une abondance de matériel absolument hilarant. Par exemple, comment oublier le jour où une ministre bien connue est arrivée avec une grosse pile de cartables pour nous annoncer, sans rire elle, que le troisième lien, ben, c'est pas viable. Les études le prouvent et elle les a toutes lues. On passe enfin à un autre appel. Elle a vu la lumière au bout du tunnel! Pas si longtemps plus tard, toujours dans la même galaxie, son cheuf, qui a perdu une élection aux mains de rivaux autrefois ses alliés, nous annonce solennellement qu'il faut absolument un troisième lien et ça presse! Au diable les études, elles étaient sans doute faussées et mal interprétées. Les revirements dans ce dossier, les études innombrables réalisées, les fonds dépensés, les débats stériles et interminables, tout cela relève du plus pur vaudeville. Je devrais me tordre de rire. Pourquoi diable ai-je juste envie de crier mon écoeurantite aigue?

Comme si ce n'était pas assez, voilà que le même cheuf, toujours en train de bouder sa défaite, décide que l'autre projet de transport en commun, le fameux tramway pour ne pas le nommer, ben c'est 
peut-être pas ce qu'il faut pour Québec. Alors, on remet les compteurs à zéro. On va refaire des études. On va confier le dossier à quelqu'un d'autre et tant pis si on perd un autre six mois, les fonds promis par le fédéral et tout l'argent déjà investi dans les travaux préparatoires et autres aspects du dossier. C'est vraiment drôle ça, non? En mon for intérieur, je suis absolument convaincue que je vais être morte avant de voir un seul rail installé. 

Mais poursuivons dans l'hilarité politique et la déconnexion totale de nos représentants avec la réalité du petit peuple. Ce dernier, on le sait, se satisfait simplement de pain et de jeux. Après avoir prédit une période économique difficile, le grand argentier du cheuf frustré se reprend quelques jours plus tard en distribuant des millions de dollars à des milliardaires pour venir jouer au hockey pendant deux semaines dans l'éléphant blanc construit à grands frais pour une équipe fantôme. Vous avez déjà de la difficulté à reprendre votre souffle devant cette immense blague, que dire du fait que l'annonce a été faite devant une banque alimentaire où des personnes font la file quotidiennement pour arriver à se mettre quelque chose dans le ventre. J'ajoute à la farce en rappelant que les banques alimentaires n'ont pas eu l'argent demandé dans le dernier budget présenté par le cheuf et que le montant refusé correspond pas mal à la "subvention" accordée aux riches patineurs. Si ça, ce n'est pas tordant, je ne sais pas ce qu'il vous faut pour vous dérider!

Trois petits exemples donc qui me causent colère et découragement. J'aime mieux ne pas penser aux augmentations des députés et au refus d'offrir des conditions décentes aux profs, infirmières et employés de l'État. Cela me déprime totalement. Je me rabats sur notre système de santé où malades et personnes soignantes sont tous en train d'y laisser leur peau. Un autre beau sujet. Je passe sous silence les guerres et les images atroces qui abreuvent quotidiennement nos écrans. 

Je sais que je ne peux pas porter le sort du monde sur mes épaules. Je sais que je ne peux empêcher la maladie de frapper. Je sais aussi que mes valeurs familiales sont désuètes et qu'elles doivent être rafraîchies à la sauce de la nouvelle modernité que je ne comprends pas toujours et qui, franchement, me cause elle aussi souvent une écoeurantite aigue. Tout cela m'empêche donc parfois de rire. Oui, car il arrive trop souvent que la conscience de tout ce qui va mal s'empare de mon esprit et que la joyeuse troubadour, au lieu de s'esclaffer, s'effondre en pleurs. Qu'à cela ne tienne, je vais le remplir mon tableau et je crois que, pour arriver à mon objectif, je vais dorénavant y inscrire la bêtise humaine. En moins de temps qu'il n'en faut pour rire, j'aurai le sourire du clown... triste.


 Merci l'Amie A. qui m'a inspiré ce texte.

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