vendredi 21 juillet 2023

Paraît qu'on ne peut pas sauver le monde


Aujourd'hui c'était jour de bénévolat pour la Popote roulante. Et c'est de ça dont je voulais vous entretenir. Je voulais vous parler surtout des merveilleuses rencontres que cette activité me permet de faire. Alors je réfléchissais à la manière dont je pourrais expliquer ce que ça nous apporte de douceur dans notre âme d'aider à rendre le monde un peu meilleur. Et, tranquillement, parce que je fais presque toujours de la Popote plus, je me suis mise à penser à ce que je pourrais faire pour cette personne que je venais de visiter et qui trouve les repas congelés qu'elle commande pour la fin de semaine pas vraiment bons, puisse manger quelque chose qui lui ferait vraiment plaisir. Et me voilà partie dans ma tête à passer en revue les repas que je pourrais peut-être cuisiner pour elle et que je pourrais lui livrer sur mon temps. Elle est devenue une amie avec les années qui passent, pas seulement une cliente chez qui je dépose un repas. Mais, bon, me suis-je dit, faut que je me retienne. Elle a quand même de la famille qui peut sans doute s'occuper de ça. Je n'en suis pas certaine cependant.

Vous avez accroché sur Popote plus? Que je vous explique, C'est que, depuis le début de mon engagement de baladeuse-livreuse de repas, je n'arrive pas à me limiter à dire bonjour et à déposer les plats sur la table. C'est plus fort que moi. J'aime le monde. Et j'ai la très fâcheuse manie de me mettre facilement à leur place. Trop facilement. Si la personne est malade, c'est sûr que je prends de ses nouvelles. m'enquiert si elle a passé une bonne ou une mauvaise semaine, m'inquiète si elle est absente ou si elle ne répond pas à la porte. Si la personne semble isolée, pas trop bien nantie, c'est sûr que j'essaie de trouver des façons de lui apporter des petites douceurs, de l'écouter se raconter, de lui démontrer une attention particulière. J'ajoute en plus des chocolats aux livraisons pour toutes les fêtes de l'année, comme je le faisais quand je cuisinais pour Itinérance Zéro. Je donne des cartes de Noël à chacun et chacune. Si j'apprends que c'est l'anniversaire d'un de mes protégés (par là j'entends une des personnes chez qui je livre pendant la semaine), j'achète une carte, j'écris un mot. Je veux que la personne sente qu'elle a du prix, qu'elle est importante, qu'elle est aimée.


Est-ce que je cherche à recevoir une médaille quelconque? Oh que non! Des ailes d'ange? Oh que oui! Je suis convaincue que les anges existent et qu'ils sont parmi nous. J'ai déjà fait ma demande pour en devenir un. Il faut donc que je me pratique si je veux que mon cv soit retenu. C'est ainsi que je tombe souvent dans ce désir irrépressible de sauver le monde. Entendons-nous ici. Je ne veux pas les sauver contre leur gré. Et, pour moi, sauver le monde signifie surtout une présence. Être là pour ceux et celles qui en ont besoin. Démontrer de l'empathie, de la bienveillance, de l'amour. Faire une différence par un sourire, un geste, un service. Parfois, je me laisse emporter par ce désir de créer un monde meilleur. J'arrive même à croire que c'est possible de démontrer davantage de solidarité, de compassion, de souci envers tout ce qui nous entoure, végétaux, animaux et humains confondus. Hélas je désenchante rapidement, surtout quand je lis les journaux, ou que j'écoute les nouvelles et les gens parler autour de moi. "ON NE PEUT PAS SAUVER LE MONDE!", des gens sages, plus sages que moi sans doute, répètent avec conviction et vérité cette phrase censée tout régler, censée annihiler tout mouvement d'impulsion pour le changement. Je sais bien que, malgré tous mes beaux efforts, je ne peux pas sauver le monde. Mon problème, qui devient une grande souffrance pour moi, c'est quand je connais le monde à sauver. Ouais. C'est pas du tout la même chose quand la personne pauvre a un nom, un visage, une histoire que tu as appris à connaître. Même affaire pour le nouvel arrivant qui croise régulièrement ta route, qui t'a raconté son périple et que tu vois livrer combat pour un avenir plus ensoleillé. Et quand la personne malade c'est celle à qui tu apportes un repas deux fois par semaine, pour qui tu ouvres des couvercles récalcitrants, celle que tu as appris à aimer et à admirer parce qu'elle dit toujours qu'il ne faut pas lâcher. Et il y a cette jeune femme qui dit que tu es la livraison du bonheur. Et cet homme aux merveilleux yeux bleus qui cohabite avec son chat et qui capote parce que je lui apporte des muffins. Et cet autre qui vit dans un véritable taudis, qui m'attend sur une chaise dehors pour recevoir son repas. Il y a aussi tous ceux et toutes celles qui espèrent un appel, une visite d'un fils, d'une fille ou d'un ami. Il y a celle qui a peur de ne plus pouvoir parler parce qu'elle peut passer une semaine sans avoir à parler à quelqu'un. Il y a enfin toutes les fois où je sors d'un appartement, la larme à l'oeil, partagée entre la reconnaissance d'avoir une vie heureuse et ma totale impuissance devant ces inégalités révoltantes. 

C'est vrai. Je ne peux pas les sauver. Mais je peux les aimer en maudit par exemple.



3 commentaires:

  1. Je te comprends tellement! Mais continue d’être la personne lumineuse que tu es. À prêter l’oreille, à leur sucrer le bec, à les faire sourire. Tu es l’un des anges parmi nous. Et tu es LEUR ange. Ne t’en fais pas pour le reste. 😘

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  2. D’une bénévole à une autre 🙋🏼‍♀️

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  3. À belle Nicole. Ton coeur est tellement grand. La place que tu fait à l'autre est tellement belle. Je t'admire profondément. Toutes les fois que nous avons "bénévolé" ensemble. J'ai beaucoup apri en vous cotoyant toi et l'Homme. Je vous en remercie.
    Chaque personne que nous rencontrons à pour nous une grande importance. Les relations que nous tisons sont primordiale pour nous.
    Continue ton engagement. T'es ailés tu les as déjà. L'amour que tu sème reste un baume pour bien des gens.

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