samedi 28 mai 2011

De hauts et de bas

Je m'étais pourtant jurée de ne pas pleurer et j'avais tenu promesse jusqu'à aujourd'hui. Qu'est-ce qui a causé le déclenchement des chutes du Niagara? Le simple fait d'avoir décidé de laver le lit de la Fille et de ranger les deux ou trois choses qui restaient encore dans sa chambre. Ça m'a foutu une telle déprime de me retrouver là, dans sa chambre qui n'est déjà plus la sienne mais qui l'était encore il y a quelques jours à peine. Je sais, ça rime, mais ça s'arrête là. J'avais vraiment pas le coeur à rire.

M'enfin. Comme j'étais toute seule dans la maison avec les deux félines, qui n'étaient absolument d'aucun secours pour éponger mes larmes, j'ai décidé d'aller dehors jouer dans mes plantes. Hier soir, j'avais justement obligé l'Homme à retourner aux Serres Lafleur pour faire provision de quelques caissettes pour m'occuper d'ici à ce que je refasse le plein au marché dimanche. J'ai donc passé l'après-midi à transplanter les cléomes (identifiées comme des "cléomés" par une experte-vendeuse!! de la pépinière) et les impatientes. J'ai pu jouir à fond de mon passe-temps-thérapie puisque les nuages ne me sont pas tombés sur la tête. De toute façon, je n'avais nul besoin d'eau étant donné que je fournissais moi-même l'arrosage.

Heureusement, l'arrivée de l'Homme et la dégustation d'un bon souper (accompagné d'une bouteille de vin rouge) m'ont réconciliée avec la vie. Peut-être, après tout, que je n'ai pas échoué dans mon rôle de mère. Peut-être que je devrais être fière de la facilité avec laquelle la Fille a pu pratiquer une coupure franche et définitive avec l'Homme et moi. N'empêche. Je préfère la manière du Fils. Il est parti en laissant derrière lui plein de traces de son passage. Impossible de l'oublier. Et, pour lui, impossible de ne pas revenir à la maison sans se retremper un peu dans les heures de son enfance. C'est sûr, ça prend plus de temps avant que le cordon soit entièrement coupé, mais me semble que ça respecte davantage la nature. Le cordon ombilical ne prend-il pas plusieurs semaines avant d'être complètement sec et de finalement tomber? Je le concède, quatre ans, ça peut sembler excessif. Disons simplement que j'ai droit aux deux extrémités du spectre et que c'est très bien comme ça.

Avant de vous laisser pour aller reposer mes vieux muscles et mes yeux rougis, je veux partager avec vous une réflexion fort intéressante livrée par Jacques Languirand pendant son émission ce soir. Il parlait d'un livre où l'auteur, à la fois philosophe et réparateur de motos(!), s'interrogeait sur le caractère éphémère des objets que l'on fabrique de nos jours. C'est vrai. On ne répare plus rien. On achète, on jette et on remplace. L'Homme me faisait d'ailleurs remarquer qu'il avait eu récemment cette conversation avec le réparateur d'électroménagers avec qui nous faisons affaire depuis maintenant trente-quatre ans. Ce dernier lui confiait que les appareils en question sont conçus dorénavant pour avoir une durée de vie "raisonnable" de cinq ans. Après, ils vivent sur du temps emprunté. Je me suis alors rappelée de cette époque où l'on faisait venir à la maison le réparateur de télé pour remplacer les lampes qui brûlaient. Et j'ai pensé aussi à ma mère qui allait porter les souliers chez le cordonnier et à ma grand-mère qui reprisait les bas. C'est même un reproche "moqueur" que l'Homme m'adresse chaque fois qu'il doit jeter des bas parce qu'ils sont troués : "C'est vrai, tu ne raccommodes pas, toi. Je dois aller m'acheter des bas neufs."

Au-delà des objets, je me suis surprise à penser à nos relations interpersonnelles que je trouve bien éphémères elles aussi depuis quelques années. C'est sûr que les gros trous, comme ceux qui se retrouvent la plupart du temps à l'extrémité des bas de l'Homme, c'est impossible à réparer. Par contre, je dois avouer que, si je prenais la peine de sortir aiguille et fil, je pourrais raccommoder les petits trous. S'il s'agit en plus d'une paire de bas que l'on aime beaucoup, le choix devrait s'imposer de lui-même. Pourquoi alors on ne sort pas le panier à repriser? Est-ce que c'est uniquement une question de temps qui nous manque? Ou est-ce que c'est plus vite et plus facile de simplement tout jeter et de recommencer? Je n'ai pas de réponse. Il y a tellement de sortes de trous. Et tellement de sortes de bas. Je suis juste contente que ma grand-mère m'ait appris à repriser. Au moins, j'ai le choix de raccommoder ou pas.

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