vendredi 2 mars 2012

Faim de la fin ou Fin de la faim?

Pas de Pinpin, alias Fred, aujourd'hui. Pas de bébés minets non plus. Seulement la maman. Et pas de dépannage alimentaire. Sauf pour bibi.

Je suis debout depuis 5 h ce matin. Je suis retournée au centre Bonséjour (quel nom ironique tout de même, mais j'imagine que c'est mieux que Dernierséjour!) pour servir le brunch. J'ai aimé plus que la dernière fois. Serait-ce parce que je m'habitue à la détresse humaine? Je préfère plutôt croire que je trouve agréable de reconnaître les visages et de commencer à me rappeler des petits caprices culinaires de chacun. En tout cas, c'est sûr que je ne pourrais pas travailler dans un resto. J'oublie à la vitesse de l'éclair les commandes que je prends. Ainsi, après avoir demandé à une vieille dame fort sympathique et pas du tout confuse si elle voulait un jus d'orange ou de pruneau, un café et avec quoi dedans, des oeufs brouillés, au miroir ou tournés, et des rôties au pain blanc ou au pain brun, je me suis retournée vers le cuisinier pour passer ma commande et là, pouf, tout s'était envolé. Je le regardais béatement, pour ne pas dire bêtement, perdue dans mon trou de mémoire. J'ai été obligée de recommencer mon questionnaire au complet. Si ça continue, c'est moi qui vais me retrouver sur une chaise avec une bavette au cou en train de me faire servir le déjeuner par des bénévoles compatissants. Je devrais d'ailleurs peut-être songer à me mettre sur la liste d'attente au cas où...

Plus tard dans l'après-midi, j'avais rendez-vous avec le Sondeur d'âme. Cela m'a fourni l'occasion de réfléchir sur la poursuite inlassable que j'ai entreprise de la faim et de la fin. J'ai en effet été frappée cette semaine par l'attention que je porte à la bouffe depuis que je suis à la retraite. Quand je ne suis pas en train de cuisiner, je nourris tout ce qui bouge, du lapin aux chats et des bénéficiaires aux bénévoles. Paradoxalement, j'arrive difficilement à digérer. Les morceaux sont trop gros : le nid vide et la retraite vers le centre Bonséjour. C'est LA chose que je n'arrive pas encore à accepter dans ce tournant de vie. J'adore avoir mon temps à moi pour le savourer à mon rythme en faisant des choses que j'aime. Cela a toutefois un prix fort élevé : la constatation que je m'achemine vers l'urne fatale.

Déprimée, vous pensez que je suis? Pas toujours. La plupart du temps, en fait, je suis rayonnante comme on me l'a fait remarquer d'ailleurs pas plus tard que la semaine dernière. Faut croire que j'arrive à transcender les sombres pensées de destruction massive que j'entretiens. Tenez là, par exemple, je tape sur Zola avec la Reine-Marguerite qui s'est installée confortablement à côté de moi et qui ronronne très très fort. Elle a réussi à voler la place à Mignonne. Est-ce que je songe en cet instant à ma fin dernière? Pas vraiment. Je pense plutôt aux trois bons fromages que j'ai achetés chez Philouze et au petit festin que je m'offrirai demain matin. Oui, j'ai un creux. Dans l'estomac cette fois et pas dans le coeur. L'un se comble, l'autre s'apprivoise.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire