dimanche 18 mars 2012

Poisson de mars

C'est l'Homme qui m'a suggéré ce titre pour illustrer l'aberration climatique dont nous sommes victimes ces jours-ci. En me relisant, je m'aperçois du mauvais choix de verbe utilisé dans ma dernière phrase. Je devrais plutôt dire "dont nous jouissons ces jours-ci". Car c'est bien de cela qu'il s'agit lorsqu'on peut déjà goûter à l'été qui s'en vient. Pas de printemps ici. Non, on saute directement au maillot de bain et aux gougounes.

N'empêche. J'entendais hier à la radio qu'il faut remonter à l'année 1946 pour enregistrer une température semblable. Dire que je n'étais même pas née! Par contre, les parents de l'Homme, eux, convolaient en justes noces. Se marier une année où l'on enregistre des records de chaleur, me semble que c'est de bon augure. En tout cas, cela n'a pas nui à mes beaux-parents qui sont restés unis pendant soixante ans pour le meilleur et pour le pire. Dur record à battre que celui-là, non?

Mais que je revienne au réveil de la nature. Comme c'est merveilleux de sentir le soleil nous chauffer les os! C'est là que l'on se rend compte à quel point l'hiver nous magane le "canayen". Pour ma part, j'ai l'impression d'avoir vécu avec les muscles tendus comme des cordes de violon depuis que le froid s'est installé. Pouvoir mettre le nez dehors sans sentir le blizzard m'a vraiment ragaillardie. Et je n'étais pas la seule! On aurait dit que tous, hommes et bêtes confondus, s'étaient donné le mot pour sortir de leur tanière en même temps.

Les hommes en grand nombre l'ont fait avec tambours et trompettes. Eh! oui, le retour du beau temps est aussi synonyme du retour de la musique qui joue à tue-tête pour l'ensemble du voisinage, de l'occupation du milieu de la rue par les véliplanchistes, du bricoleur du dimanche et de sa scie à chaîne, et, bien sûr, des motards de tout acabit qui pétaradent allégrement, fiers de défiler sur leurs bolides avant d'aller se stationner en bande au Tim Horton le plus près. J'ai en effet noté que ce resto, où l'on sert prétendument du café, constitue un lieu de rassemblement par excellence pour ces "sportifs" de cuir entièrement vêtus.

J'ai nettement préféré la sortie des représentants de la faune. Elle offrait beaucoup plus d'émotions fortes. Tout d'abord, Pinpin, dit Fred, a disparu. Il semble avoir pris la sortie rapide côté cour. En tout cas, ça fait quelques jours que je marche avec des branches de céleri et des feuilles de salade dans mes poches sans pouvoir les offrir à mon lagomorphe préféré.

Par ailleurs, les nouvelles sont meilleures côté bassin. Oui, oui, je vous le donne en mille : les espiègles sont revenus à la vie. Ma gang de dix-sept a survécu à sa période d'hibernation. Aujourd'hui, il restait un petit rond de glace au milieu de l'étang, mais cela n'empêchait pas mes poissons de s'aventurer au-delà de leurs quartiers d'hiver. Ils ont même tenté une pointe vers la partie médiane. En plus, je ne sais pas ce qu'ils ont mangé pendant leur soi-disant période de dormance, mais ils ont engraissé comme ce n'est pas possible. Mon bébé koï, seul représentant de son espèce, et que j'ai baptisé Tarzan-les-bobettes en raison de sa petitesse, est devenu un gros monstre blanc. Je sais, ce n'est pas la plus belle couleur pour une carpe japonaise. Il a la queue rouge, par contre, ce qui lui donne meilleure apparence.

Coup de théâtre en fin d'après-midi. Comme je m'approchais du bassin pour regarder avec attendrissement les premiers ébats de ma faune piscivore, qui est-ce que j'aperçois en train d'essayer de s'agripper à la toile gluante? OUIIIIII! C'était Gertrude! Ahlalala, je pensais bien qu'elle avait dû trouver refuge auprès de la bande d'espiègles mais je n'étais sûre de rien. En tout cas, elle n'a pas souffert d'inanition elle non plus. De jolie et mignonne batracienne, elle est pratiquement devenue une ouaouaronne! Je ne sais pas si c'est possible. Va falloir que je me renseigne sur les moeurs de ces bibittes pour lesquelles mes connaissances se limitaient jusqu'ici à la façon d'apprêter leurs cuisses!

Pendant que je devisais sur la nécessité ou non de trouver de la nourriture pour Gertrude, je me suis aperçue qu'il neigeait des plumes. C'est l'Homme encore une fois qui m'a refilé cette belle image pour désigner la chute subite de duvet virevoltant autour de nous. En levant les yeux pour voir de quoi il en retournait, nous avons eu droit au spectacle sordide de Lady Croquette, perchée sur une branche de notre érable, en train de dépecer le cadavre de ce que nous avons vainement tenté d'identifier. Cela semblait être un pigeon. Lady Croquette est une buse à queue rousse qui nous rend visite de temps à autre. La dernière fois, elle avait dégusté son repas, constitué d'un rongeur quelconque, sur le haut du poteau de téléphone au fond de la cour. Le problème avec Lady Croquette, outre le fait qu'elle soit un rapace, c'est qu'elle a de très mauvaises habitudes à table. Ainsi, elle s'attaque toujours violemment à son repas. Avec son bec crochu, elle a tôt fait de se débarrasser des poils ou des plumes en les précipitant avec vigueur du perchoir qu'elle a choisi pour se sustenter. Ensuite, elle tient fermement sa proie au moyen de ses serres et elle commence à se régaler. C'est là, habituellement, que nous avons des haut-le-coeur. En effet, voir la victime empalée se faire dévorer les entrailles par Lady Croquette ne devient pas un souvenir qu'on a ensuite envie de chérir pour le reste de sa vie. Cela constitue davantage un cauchemar qu'on voudrait oublier.

M'enfin. Devant mon inquiétude qu'un jour Lady Croquette s'attaque aux espiègles, l'Homme a rétorqué que je ne pouvais rien y faire. "C'est la loi de la nature", a-t-il affirmé d'un ton sentencieux. Un peu dépitée tout de même, je suis rentrée dans la maison pour apercevoir Mignonne postée devant la porte vitrée du balcon avant et très intéressée par ce qui se passait devant elle. Pensant que c'était l'un de mes bébés-ados minets qui venait chercher sa pitance, je me suis précipitée avec un plat rempli de bouffe à chats pour constater qu'il s'agissait plutôt d'un gros raton-laveur! Sans doute le même que l'année dernière. Celui à cause de qui nous avons dû acheter l'effaroucheur. Je vous l'ai dit : tous s'étaient donné le mot pour sortir de leur tanière.

Et c'est reparti. Le parc faunique est rouvert pour une autre saison.

1 commentaire:

  1. Chère Marcheuse urbaine,

    Vous m'avez bien fait rire, car je crois que vous étiez tendue comme une *corde* de violon au 3e para :-)

    Aussi, j'ai beaucoup aimé votre mot sur l'extase. Comme un artiste du cirque, vous nous donnez envie de nous envoler hors de notre nous-même. Je m'y met de suite!

    Enfin, sur une note estivale, notre salon de thé préféré offre de nouveau ses thés glacés. Il ne manque que les chaises sur la terrasse.

    À bientôt!

    L'amie yogini

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