jeudi 9 août 2012

Mieux vaut en rire

Eh! bien, eh! bien, eh! bien. Mes vacances sont finies. Et devinez quoi? Les personnes démunies ont encore faim. Oui, oui, je vous le dis. Après avoir préparé plus de vingt-cinq paniers au Service de dépannage de la paroisse et rempli tout autant de sacs à la Soupière, je peux vous l'affirmer sans ambages : les ventres creux constituent toujours une réalité au sein de la société.

Évidemment, je n'étais pas assez naïve pour croire que ce grave problème se résoudrait pendant les vacances de la construction. J'ai juste pris une pause dans ma mission. Et, tant qu'à y être, aussi bien vous l'avouer : je me suis ennuyée de mon travail de bénévole et de tous les gens qui gravitent autour. Mardi matin, j'étais donc toute heureuse de retrouver le sous-sol du Service de dépannage, ainsi que les fruits et légumes défraîchis livrés par Moisson Outaouais. Je dois toutefois décerner une note positive pour la boîte de paquets de viande hachée que nous avons reçue. C'est là une denrée rare qu'il nous a grandement fait plaisir de distribuer.

J'ai traversé par la suite chez nos voisins de la Soupière. J'y étais attendue avec fébrilité en raison du grand nombre de boîtes de denrées de toutes sortes qui devaient être vidées. La banque alimentaire brillait comme un sou neuf. C'est qu'il y avait eu branle-bas de combat pendant les deux dernières semaines du grand ménage. Grâce à l'aide de J. et de F., j'ai vite fait toutefois de remettre la banque à ma main. J'ai d'ailleurs terminé aujourd'hui de placer les dernières boîtes de biscuits, de faire la rotation des céréales et des boîtes de conserve, et de vérifier les dates d'expiration des compotes. Ouf! Comme J. l'a déclaré en entrant dans le local cet après-midi : "Wow! la madame est passée!" C'est moi, ça, la madame qui devient parfois achalante avec ma manie de tout classer, organiser, trier, et de rappeler à ceux qui m'aident de ne surtout pas oublier de vérifier les dates d'expiration pour placer au bon endroit chaque produit qui se retrouve sur "mes" tablettes. Un p'tit chausson avec ça?

Ranger la commande, c'est la partie facile de mon travail. Recevoir les demandes des gens dans le besoin, c'est l'aspect plus ardu de la tâche. Chaque semaine, je me laisse prendre au jeu douloureux de la misère humaine. Je ne me rends pas compte qu'après un certain temps, l'accumulation de malheurs vient insidieusement me frapper comme un coup de poing dans l'estomac. Soudainement, je me surprends la larme à l'oeil en train de penser à la jeune maman monoparentale de dix-sept ans qui semblait totalement dépourvue devant l'ampleur de sa nouvelle maternité. Ou encore je revois le monsieur qui avait besoin de photocopies de documents rédigés par son médecin pour les envoyer au bien-être social parce que "vous savez, madame, j'ai un cancer généralisé et je vais mourir". Devant la photocopieuse, je me disais : "Voyons, c'est pas possible d'avoir à déclarer ça debout, dans le bureau d'un organisme communautaire, comme si c'était la chose la plus banale qui soit." Et comme je croyais être enfin arrivée à boucler ma semaine de bénévolat, voilà qu'un monsieur ayant pour tout bagage un sac en plastique avec un peu de linge vient s'enquérir de la possibilité d'obtenir un dépannage. J'avais fini. J'avais même accepté d'aider un peu plus tôt un jeune homme qui n'avait pas appelé. Pas grave. Je suis retournée dans la banque pour préparer des sacs que j'ai tenté de remplir avec des aliments faciles à cuisiner. Je ne suis même pas certaine qu'il avait un chaudron ou même une assiette. Il est reparti, à bicyclette, sous la pluie.

Pourquoi je continue à faire ça? Parce que je ne me suis jamais sentie aussi utile, je ne me suis jamais sentie aussi vivante, je ne me suis jamais sentie aussi reconnaissante. Et aussi parce que c'est drôle des fois à la Soupière. Tenez, ce midi, quelqu'un s'est mis à sacrer assez fort. Une des personnes dans la salle lui a rétorqué : "Tais-toi. On ne sacre pas ici." L'interpelé lui répond : "Pourquoi?" Et il reçoit cette étonnante réplique : "Parce qu'ici, c'est comme une église tabarnak!" Toute la salle a éclaté de rire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire