lundi 27 juin 2011

Dans ma bulle

Quand je marche, je fais vraiment un effort conscient pour rester dans ma bulle. C'est important pour demeurer présente à ce qui se passe là, sur le trottoir. Ce n'est pas toujours facile cependant avec un esprit qui se plaît à vagabonder dans toutes les directions. Je me fais parfois l'impression d'être un pêcheur obligé de ramener constamment sa ligne près du bateau pour mieux la relancer. Je crois ici que mon image serait plus facile à comprendre si je savais de quoi je parle. En effet, pêcheur, je ne suis point. Pécheresse me suffit amplement!

Voilà justement un exemple de ce dont je vous parlais plus haut. Vous avez vu le détour que je viens de prendre pour revenir enfin à mon propos? Alors, pour reprendre le fil conducteur de ce texte, j'ai pensé aujourd'hui en marchant qu'il serait amusant de vous faire entrer dans ma bulle, l'espace d'un parcours. Vous pourrez saisir davantage l'ampleur de mon errance intellectuelle. C'est donc parti.

Je viens de quitter la maison. J'entame le premier droit qui m'amène devant la maison du coin de la rue où l'on s'active depuis deux semaines à refaire complètement la cour arrière, piscine comprise. J'ai droit en cette fin d'après-midi au spectacle d'un beau corps de jeune homme, poitrine musclée exposée à tous vents sur le toit de ce que je crois être un cabanon en construction. Hum! Dommage, je dois traverser la rue.

Je continue mon chemin et croise la dame aux soutiens-gorge dont je vous ai déjà parlé (voir message du 14 avril 2010). Cette fois, elle est vêtue chaudement d'un ensemble de jogging mauve en polar. Difficile de rester concentrée, avouez-le. J'obtiens une explication quand j'arrive à sa hauteur. Elle me sourit à pleines dents et me lance : "Il fait chaud, hein! Je suis obligée de m'habiller comme ça parce que je suis allergique au soleil." Ah! Tout devient subitement limpide.

J'ai un répit de quelques pas jusqu'à ce que je passe devant une maison toujours très négligée où j'entends un chien aboyer à fendre l'âme. C'est la deuxième fois que ça m'arrive en moins d'une semaine. J'ai tout de suite ressenti le même serrement de coeur que jeudi dernier, à la sortie du bureau, au moment où je me dirigeais vers l'arrêt du wagon à bestiaux. Dans ce cas, les larmoiements de la pauvre bête semblaient provenir d'un appartement situé en face du petit centre commercial. Je ne sais pas si ce chien s'ennuyait, s'il avait faim ou soif, s'il avait chaud ou s'il avait simplement été abandonné là trop longtemps, mais c'était triste à mourir cette complainte du meilleur ami de l'homme laissé à lui-même en plein centre-ville. Même une fois engouffrée dans l'immeuble, je pouvais encore percevoir les sons désespérés qu'il poussait. J'ai presque fait demi-tour mais, en bonne citoyenne formée pour rester centrée sur son nombril, j'ai continué mon chemin.

Comme je le fais, là, maintenant, en entrant dans le parc. Totalement centrée enfin sur la musique du groupe Atreyu, je réussis à parcourir plusieurs rues en marchant au rythme rapide des chansons qui défilent dans mes oreilles. C'est le cadavre de la moufette rencontré déjà hier qui fait de nouveau errer ma pensée. Je constate d'abord qu'il ne lui reste qu'un peu de poil sur le dos. Elle a été littéralement dépouillée de ses entrailles. L'odeur caractéristique est toutefois encore bien présente. Elle me fait d'ailleurs marcher plus rapidement car elle prend à la gorge. En accélérant le pas, je me rappelle de l'autre cadavre découvert celui-là sur notre terrain, plus précisément dans l'étang. Eh! oui, hier matin, chaussée de mes bottes de caoutchouc, je me préparais à déplacer des plantes dans le bassin quand, au moment où j'allais poser mon pied dans l'eau, j'ai poussé un cri en voyant flotter devant moi une corneille morte. J'ai alerté l'Homme pour qu'il procède immédiatement à l'enlèvement du volatile. Je ne sais pas pourquoi car, comme vous le savez, il n'est pas utile ni coopératif dans ce genre de situation. Vous auriez dû nous voir, tous les deux horrifiés, résolus chacun à ne pas être le ramasseur d'oiseaux morts. Finalement, j'ai convaincu l'Homme de prendre une pelle pour recueillir la bête pendant que moi je tiendrais un sac dans lequel il pourrait la mettre avant de la jeter aux ordures. Je ne sais pas encore comment nous avons réussi notre exploit car nous avions tous les deux les yeux fermés pendant la durée de l'opération! Je souris en repensant à cette scène et à la déclaration post-mortem de l'Homme : "Les animaux, moi je les aime vivants pas morts!" Nemrod de mon coeur, vaillant chasseur devant l'Éternel!

Je suis maintenant à mi-parcours. La température est idéale. Il fait chaud, mais le vent souffle de façon continue et sèche la sueur à mesure qu'elle perle. Je sens l'énergie qui monte d'un autre cran. Les muscles sont dérouillés et le cerveau, enfin endormi. Je ne fais que marcher et c'est tellement bon!

"La meilleure façon de marcher, c'est encore la nôtre. C'est de mettre un pied d'vant l'autre et de recommencer."(air connu)

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