mercredi 15 juillet 2009

Faites vos jeux... rien ne va plus

L'enfer du jeu... j'y ai succombé sans trop m'en rendre compte, et l'Homme avec moi. Tout est arrivé si innocemment. Nous allions rendre visite à Belle-maman qui loge maintenant dans un de ces centres pour vieux où l'on vous fournit soins et clowns (si vous n'avez pas de soins, vous pouvez toujours en rire!). Nous avions eu l'idée de la sortir dehors pour lui faire respirer un peu d'air frais. Évidemment, dès que nous sommes arrivés à la porte, des gouttes de pluie ont commencé à tomber. Légèrement découragés (après tout, nous avions promis à Belle-maman que nous avions l'intention de l'enlever pour l'emmener loin des amuseurs publics), nous avons dû rebrousser chemin et retourner dans l'antichambre du dernier repos. Comme nous nous refusions à nous retrouver sur son étage dans le petit salon où l'on parque les vieux devant une télé qui présente n'importe quoi à un public captif totalement désintéressé, nous avons pensé nous diriger vers le grand salon. C'est beaucoup plus gai. Et il y a surtout plus de place pour manoeuvrer chaises roulantes et marchettes.

Nous aurions dû nous douter en voyant la salle anormalement remplie de vieux installés à des tables que nous venions de franchir les frontières d'un monde interdit. La Manitou responsable de cette cérémonie machiavélique nous a tout de suite repérés comme des proies nouvelles à enrégimenter. Sans formalité aucune, elle nous a tendu les cartes en nous disant : "Vous arrivez juste à temps. Nous allions commencer. Vous pouvez même aider Belle-maman à entrer dans le cercle infernal." Comment s'échapper? Tous les yeux étaient braqués sur nous. Il était trop tard pour faire marche arrière (de toute façon, le fauteuil gériatrique de Belle-maman ne se tourne pas sur un trente sous!). Nous avons donc pris place.

Heureusement, oui heureusement que nous ne sommes pas arrivés après le début de la cérémonie. Une petite vieille l'a fait et elle a été apostrophée de verte façon : "C'est Mme L., la retardataire. À cause d'elle, on ne commence jamais à temps. Elle ne devrait pas avoir le droit de jouer". Et voilà la charité chrétienne qui venait de prendre le bord. Il faut dire que j'ai expérimenté la même franchise brutale en voulant inviter une joueuse à prendre le fauteuil vide à côté de moi. "Venez vous asseoir ici", lui ai-je sussuré de mon ton le plus aimable. "C'est sûr que je vais m'asseoir, je ne vais quand même pas rester deboutte toute la journée". Et elle s'est assise.

Je vous passe ici les longues négociations qui ont présidé au choix des places de chacun des joueurs. Voici tout de même un extrait des litanies qui les accompagnaient : "Je ne veux pas m'asseoir là, ils vont chialer". "Si je ne peux pas être à la table de Mme T., je retourne dans ma chambre". "Pourquoi est-ce que je changerais de place? Les noms ne sont pas inscrits sur les sièges". Et je vous épargne les tergiversations des joueurs qui hésitaient à débourser le montant qui donnait droit à deux cartes, soit l'impressionnante somme de vingt-cinq sous!

Enfin, nous sommes prêts. La Manitou prend son micro et annonce les numéros. Tout le monde est archi-concentré. L'Homme et moi nous faisons même avertir parce que nous parlons à Belle-maman. Sidérés devant la sévérité du règlement, nous nous taisons. Il faut dire que l'on comprend la nécessité du silence devant l'ampleur des trous de mémoire des participants qui demandent régulièrement à la Manitou de répéter les numéros et les règlements. Après plus d'une heure de jeu, nos pertes se chiffraient à cinquante sous. Nous avons décidé de quitter avant qu'il ne soit trop tard. Il fallait quand même se garder un peu d'argent pour mettre de l'essence dans l'auto pour revenir à la maison.

J'ai eu chaud, car il s'en est fallu de bien peu pour que l'Homme et moi soyons obligés de subir une cure de désintoxication. Je vous le dis, on se fait rapidement prendre par l'appât du gain!
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Notes pédestres : Ces temps-ci, je vibre sur la chanson Burning Eden de Carnal Forge. Vous n'y échapperez pas. Voici l'extrait :

All must come to an end
To be reborn in a different time and place
What comes around goes around...
Everything happens over and over again
My future is colored by the blood red hands of time
Confess your sins try to save your blackened soul
But I guess you'll never... learn!

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