mardi 3 novembre 2009

La priorité des priorités

Un sympathique dîner entre amies. Je ne sais pas pourquoi la conversation a dévié à un moment donné sur les accros au blackberry, ce merveilleux petit appareil qui, une fois que vous l'avez en votre possession, ne vous laisse plus aucun repos. Ce n'est pas que nous étions particulièrement touchées par le phénomène, l'une à la retraite, une autre près de l'être et la troisième occupée à materner ses quatre chérubins. Nous échangions plutôt nos observations, étonnées de constater à quel point un simple appendice technologique peut prendre autant d'importance dans la vie de certaines personnes.

Je suis persuadée que, comme nous, vous avez remarqué ces gens qui vivent la tête continuellement penchée sur le fameux appareil noir. Ils prennent l'ascenseur en lisant leurs messages, ils attendent l'autobus en envoyant des courriels, ils se promènent dans les couloirs ou sur les trottoirs les yeux fixés sur l'écran de "Little Brother". Ce dernier s'est littéralement emparé de leur vie. C'est lui qui leur dicte dorénavant quand il est temps de se lever pour se mettre à l'ouvrage, quand il y a lieu de trouver une ou deux minutes pour avaler une bouchée et quand il est assez tard pour se coucher. Entre tous ces temps, ils ne voient plus vraiment les gens autour d'eux, obnubilés qu'ils sont par les ordres envoyés par Little Brother. Je sais, pour l'avoir entendu plus d'une fois, qu'il est même difficile de laisser ce compagnon machiavélique à la maison quand on prend des vacances. Tout à coup que la fin du monde arriverait pendant que l'on prend un bain de soleil sur la plage ou que l'on trinque entre amis autour d'une bonne bouffe? Hon! ce serait-ti assez terrible!

De toute façon, la plupart des membres de la secte LB n'occupent pas des postes névralgiques pour la sécurité de la nation. Ce sont principalement des cadres moyens ou supérieurs qui brassent du papier à longueur de journée et, à moins que nous ne soyons menacés d'être enterrés sous une grosse, grosse pile de feuilles - ce qui pourrait peut-être arriver dans certains milieux - je ne vois pas quelle situation urgente peut nécessiter l'envoi d'autant de messages.

Tout en écoutant nos remarques outrées, notre amie à la retraite nous a fait observer que le phénomène n'est pas nouveau. Simplement différent. En effet, depuis toujours ou presque, les patrons cherchent des moyens de s'accaparer totalement de la vie de leurs employés. Ainsi, elle nous a raconté qu'une de ses patronnes avait dit un jour aux employés rassemblés pour une réunion qu'ils devaient faire de leur travail LA priorité. Ce à quoi notre amie avait aussitôt rétorqué devant tout le monde : "Moi j'ai cinq enfants à la maison, ce sont eux ma priorité!". Et vlan, dans les flancs!

Entre vous et moi, il ne faut pas s'être arrêté longtemps sur la brièveté de notre séjour sur Terre pour penser que l'on peut considérer sur un même pied d'égalité la préparation d'une réunion et le spectacle de notre enfant à l'école. Je ne dis pas qu'il ne faut pas mettre notre coeur à l'ouvrage mais qu'il faut faire attention à ne pas l'oublier sur le coin du bureau.

1 commentaire:

  1. Une bien sage réflexion sur un phénomène atterrant : soit le degré d'envahissement d'un simple petit appareil sur la vie des gens. L'art de la conclusion est tout simplement remarquable dans ce texte. Bravo à son auteure.

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