lundi 12 avril 2010

Molière a mal

Je suis allée acheter une carte pour la fête de mon papa ce midi. Faute de meilleur choix dans les environs, je me suis dirigée vers le magasin Carlton. En cherchant beaucoup, je suis arrivée à trouver quelque chose de potable parmi les textes hautement insignifiants qui nous sont proposés. C'est d'ailleurs souvent la raison pour laquelle je me rabats sur les cartes qui n'ont pas de texte justement. Aussi bien pondre moi-même les voeux que je veux adresser.

Bref, je me rends à la caisse et je demande si la carte de fidélité est toujours en vigueur. Je sais que le magasin a connu plusieurs ratés dans ce domaine au cours de la dernière année rendant vraiment difficile pour un client fidèle de le rester. "Oui, si vous l'avez encore. Sinon, nous n'en proposons plus car nous avons été achetés par Papyrus qui possède sa propre carte de fidélité. Nous attendons des directives à ce sujet", m'informe-t-on. "Fort bien", réponds-je, "mais puis-je vous demander si Papyrus est une compagnie canadienne, française peut-être (c'est ce que le nom me faisait espérer secrètement)?" "Non, c'est américain." "Alors, ça n'améliorera pas notre sort", n'ai-je pas pu m'empêcher d'affirmer à haute voix. Devant l'incompréhension évidente de ma déclaration par la vendeuse de cartes, je précise ma pensée : "C'est que j'espérais qu'avec une compagnie à tout le moins canadienne nous pourrions voir davantage de cartes en français et, surtout, des cadeaux comme des tasses ou des cadres sur lesquels les messages seraient enfin inscrits en français." Et là, sans que j'eus pu le prévoir, j'ai reçu un appui d'un autre client qui a ajouté : "Oui, ça serait bien si on n'était pas obligés, nous les francophones, de nous rendre jusque dans le fond du magasin pour trouver des cartes dans notre langue." Encore une fois, la lumière ne s'est pas allumée dans le cerveau de notre interlocutrice. Je rereprécise donc : "Croyez-vous que c'est normal, dans un magasin du Québec, que toute la première section de votre magasin soit consacrée aux cartes en anglais?" Ah! là, j'ai dû peser sur un bouton qui l'a enfin fait réagir : "Nous avons reçu beaucoup de cartes sans texte ce qui permet à n'importe qui de les acheter. Et si un Chinois ouvre un magasin, est-ce qu'on va lui demander de parler français?"

Malheureusement, mon appui était parti en soupirant. Je l'ai quand même réutilisé en tentant une autre fois de conscientiser l'assimilée qui se trouvait devant moi : "Écoutez, Madame, je ne suis pas la seule à trouver la situation anormale. L'autre client qui était là il y a quelques minutes vous l'a aussi mentionné. Est-ce que vous pensez qu'en Ontario les anglophones sont obligés de se rendre dans le fond des magasins Carlton pour trouver des cartes dans leur langue? Non, bien sûr. Et pour ce qui est des Chinois, s'ils ouvrent un magasin au Québec, oui, je m'attends à ce qu'ils apprennent le français. C'est la moindre des choses." Elle n'a pas senti que la moutarde commençait à me monter sérieusement au nez, mais sa collègue, qui s'était approchée, avait le nez plus fin. Elle a clos la discussion en disant : "Vous avez bien raison". Je suis certaine qu'elle n'en pensait pas un traître mot mais la remarque a eu le mérite de m'amener à sortir du magasin.

Vous trouvez que j'exagère. Je continue donc. Hier matin, l'Homme et moi sommes allés déjeuner dans un resto de Gatineau. Qu'est-ce qui nous frappe en entrant? La radio hurle en anglais. Insupportable. Inacceptable. De mon ton le plus doucereux, je demande à la serveuse-caissière, avant qu'elle ne prenne notre commande, si c'est possible d'écouter un poste français. Heureusement, dans ce cas, nous avons trouvé une oreille compréhensive. Et nous avons eu droit, selon les termes utilisés par la gentille préposée, à une liste de diffusion québécoise. Quel plaisir de manger en compagnie de Pierre Lapointe, de Mes Aieux, des Comboys fringants et tutti quanti! N'empêche. Pourquoi faut-il continuer encore aujourd'hui à se vautrer dans l'à-plat-ventrisme le plus vil? Va-t-on arrêter un jour de tendre l'autre joue pour relever la tête et affirmer notre culture française haut et fort? Je désespère souvent. Et à ceux qui seraient tentés de me lancer la première pierre, je réponds que cela ne m'empêche aucunement, comme vous le savez, d'apprécier la musique qui se fait en anglais. Je parle ici de commerces qui ont pignon sur rue et non pas des choix que je fais sur mon MP3 à moi!

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