samedi 9 janvier 2010

De la prorogation à l'angoisse existentielle

Permettez-moi d'entrée de jeu un aparté politique au sujet de cette prorogation du Parlement dont on entend parler abondamment depuis quelques jours. Pour ceux qui ne suivent pas l'actualité, il s'agit de cette décision prise par M. Harper de mettre un terme aux travaux parlementaires et de reprendre le tout après les Jeux olympiques, soit vers la fin mars. Sans prorogation, les députés étaient supposés retourner à l'ouvrage à la fin janvier. Pourquoi tout cela soulève-t-il mon ire? Je vous explique. M. Harper a demandé la prorogation à notre chère gouverneure générale entre Noël et le Jour de l'An. Quand j'ai pris connaissance de cette démarche, j'étais déjà outrée. Outrée doublement parce qu'en agissant ainsi il s'épargnait la suite des choses au sujet de la torture des prisonniers afghans et parce qu'il savait pertinemment que sa manoeuvre allait passer inaperçue alors que les gens étaient à peu près tous imbibés d'alcool. C'est ce qui est arrivé.

Mais voilà que M. Ignatieff, cette semaine, émerge de son coma éthylique pour nous faire part de son indignation par rapport à cette façon de faire. J'ose une question à cet intellectuel aux neurones endormies. Mais où étiez-vous donc quand M. Harper a annoncé son intention? Étiez-vous trop occupé à swingner votre compagnie dans une fête de famille endiablée que vous ne pouviez même pas prendre une minute pour vous opposer à cette nouvelle entrave à la démocratie? Car c'est bien de ce dont il s'agit quand un premier ministre utilise cette prérogative de notre système parlementaire pour s'éviter systématiquement de faire face à la musique. Mais, mais, je me doute de la raison pour laquelle M. Ignatieff n'a pas cru bon réagir plus tôt. Primo, les journalistes, eux-mêmes occupés à swingner leur propre compagnie, ne lui auraient sans doute pas donné la couverture voulue. Et, deuxio, les sondages sont toujours aussi défavorables à l'endroit du chef du Parti libéral; par conséquent, celui-ci n'a donc aucunement avantage à déclencher des élections, surtout pas sur une question de principe. L'indignation à retardement, c'est tellement plus noble, tellement plus... hypocrite!

Bon, mon aparté a été plus long que prévu. À part ça, je voulais commencer ce message en vous annonçant fièrement que ma santé mentale devait être au beau fixe étant donné que, depuis deux jours, je cuisine et je range comme une véritable Martha. Quelle naïveté de ma part encore une fois! Pourtant, je devrais commencer à savoir que mes comportements déphasés indiquent que je souffre d'anxiété. Je vous le prouve tout de go. Cette après-midi, je me prépare pour mon entraînement pédestre. Encore sur la lancée de mon exploit d'hier, j'ai hâte de me retrouver dehors. Comme j'étais presque prête à sortir, il me vient la brillante idée de syntoniser le canal météo pour voir où en était le mercure : - 13. C'est quand même bien surtout qu'il fait beau soleil. Mais voilà que je vois au bas de l'écran : facteur éolien, -21. Ouille! C'est plus froid ça. Qu'à cela ne tienne, je suis habillée, je suis brave, je pars.

C'était sans compter sur ma propension à mettre mon cerveau à "Off" et à commencer à divaguer comme ça ne se peut pas. "Il fait vraiment froid. Peut-être que de respirer de l'air trop froid va me porter à faire une crise d'asthme. Ou bien je vais attraper un gros mal de gorge parce que j'ai entendu dire que ce n'était pas recommandé d'aller faire de l'exercice dehors par temps froid". Et quand j'ai le cerveau à "Off", je n'arrive qu'avec de pénibles efforts à le remettre en branle. Je marchais, par un temps quand même radieux, et je ne voyais rien. À un moment donné, je me suis littéralement arrêtée pour contempler le parc tout blanc, mais d'une blancheur immaculée, et le ciel d'un magnifique bleu foncé. Les couleurs, aujourd'hui, étaient sans nuance. Et elles éclataient. Avec le soleil qui éclairait le tout, ça incitait à la contemplation, pas de son nombril, mais de la nature.

Je poursuis mon chemin et, pendant que je me trouve sur le sentier qui sépare le parc de l'école, paf! Nouvelle prise de conscience. J'étais tellement préoccupée par l'idée de respirer dans mon foulard pour éviter de faire entrer de l'air trop froid dans mes poumons que je me suis rendue compte que je marchais la tête baissée. Stop! Qu'est-ce que c'est que cette incongruité? Quand je marche la tête penchée, je ne vois pas le chemin devant moi. Autre prise de conscience. N'est-ce pas aussi ce que je fais dans ma vie de tous les jours? Quand je ne me fais pas confiance, quand je préfère ne pas prendre de risques pour ne pas me tromper ou ne pas avoir l'air ridicule, quand je décide de subir au lieu d'agir, j'ai la tête baissée. Je vois seulement mes pieds. Pas le chemin que je suis capable de parcourir. Pas la route que je peux décider de suivre. Pas les carrefours qui peuvent m'amener à vivre de nouvelles expériences.

Je me demande. C'est tu le froid qui a remis mon cerveau à "On"? Ou bien c'est tu que j'étais gelée?

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