samedi 2 janvier 2010

Seulement par amour

Il neigeait à plein ciel. La soeur Psy et moi venions de passer plusieurs heures dans les magasins. Nous avions hâte de retourner à la maison car nous commencions à ressentir sérieusement l'effet des abus des derniers jours. Malgré tout, j'ose la question : "Qu'est-ce que tu dirais si nous passions par le cimetière pour aller porter à maman sa couronne de Noël?". La soeur Psy est aventureuse de nature et, je dois le dire, elle n'a pas grand-chose à son épreuve. Vous devinez donc la réponse : "D'accord". Et nous voilà parties pour notre périple envers et contre la chaussée enneigée.

Mais que je prenne quand même ici le temps de vous mettre un peu dans le contexte. Depuis que maman est décédée en 1997, j'ai pris l'habitude de fabriquer ou d'acheter une couronne faite de branches de sapin pour aller la déposer au cimetière. Maman adorait la période des Fêtes parce que cela lui permettait de retrouver toute sa marmaille. Je trouve donc important de lui porter cette marque festive pour indiquer qu'elle fait toujours partie de nos célébrations. Je sais, je sais, une bonne pensée, ça pourrait aussi donner le même résultat. Je suis prête à vous concéder l'argument, mais ce serait certainement moins original et, surtout, moins périlleux. C'est que, voyez-vous, il tombe en général pas mal plus de neige dans l'autre Capitale nationale. Il est donc arrivé plus d'une fois que l'Homme ait à chausser les raquettes pour se rendre jusqu'à la pierre tombale de sa belle-maman préférée pour aller déposer la fameuse couronne.

Aujourd'hui, il n'y a ni Homme, ni raquettes cependant. C'est la soeur Psy et moi. Nous stationnons la voiture en arrière de la petite église et nous nous emparons de la couronne. Il neige encore à plein ciel. Je dois avouer que c'est assez magnifique toute cette poudre blanche qui virevolte autour de nous. Après s'être mutuellement convaincues que nous n'avions besoin ni du sexe opposé, ni d'artifices pédestres pour nous acquitter de notre mission, nous nous dirigeons vers l'extrémité du cimetière où se trouve maman. Évidemment, il n'y a pas de chemin dégagé qui se rende jusqu'à l'endroit de son dernier repos. La soeur Psy, courageusement, enjambe le rempart de neige et commence à marcher. La neige entre à pleines portes dans ses bottes! Elle fait demi-tour et propose que nous procédions plutôt au lancer de la couronne en direction de la pierre tombale maternelle. Je considère sérieusement l'option mais je me ravise. Je décide d'entrer mes pantalons dans mes bottes et de tenter ma chance.

C'est difficile d'avancer à cause de la légère croûte de glace qui s'est formée sous la neige en raison de la pluie tombée la semaine dernière. Pour faire mon chemin, je dois donc faire un effort supplémentaire pour briser la glace et tenter de garder mon équilibre pendant que j'enfonce jusqu'à mi-jambe dans la neige. Il me semble que maman est vraiment loin. Heureusement, la soeur Psy me prodigue des encouragements chaleureux, debout, elle, dans le chemin qui a été déblayé. Je continue encore à braver les intempéries en prenant de temps à autre une petite pause entre deux monuments et en m'accotant, oh! très légèrement, sur la couronne. Quelle chance d'en avoir choisi une grosse cette année! J'éprouve tout de même l'envie de reculer à mon tour quand je commence à me sentir un peu trop essouflée à mon goût. Ai-je besoin de vous rappeler ma tendance à croire plusieurs fois par jour que ma dernière heure est arrivée? Mais je continue en gardant mon regard fixé sur le monument de maman. Enfin, j'y arrive. J'entends les cris de joie de la soeur Psy qui me recommande de ne pas oublier de saluer maman pour elle. J'en profite pour lui demander où je devrais installer la couronne. "Ne la mets surtout pas sur le dessus de la pierre tombale, tu sais comme maman détestait les chapeaux!", me répond-elle. C'est vrai. Je choisis donc d'accoter notre offrande contre la pierre non sans avoir enlevé d'abord un peu de neige pour mieux voir l'inscription. Après avoir adressé à maman les salutations de ses trois filles, je suis repassée dans mes traces. C'était plus facile surtout avec la soeur Psy qui continuait à m'encourager en vantant ma détermination.

Maman aurait été fière de nous, j'en suis certaine, comme elle apprécie assurément d'être fleurie tout l'été grâce aux bons soins de la Soeur du milieu. Nous sommes tellement chanceuses d'être tricotées aussi serrées!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire