vendredi 24 septembre 2010

À chacun son angoisse

Parcourir la chronique de Josée Blanchette dans Le Devoir d'aujourd'hui a fait tomber sur moi le voile de l'angoisse. C'est qu'elle parle d'un livre écrit par une jeune publicitaire atteinte d'un cancer foudroyant au cerveau. Il s'agit de Véronique Lettre et son bouquin s'intitule Plus fou que ça... tumeur!

Vous devinez déjà que cette combattante a choisi de faire face à la musique en utilisant comme remède l'humour décapant. Son livre fait d'ailleurs l'objet d'une campagne de publicité tout aussi décapante grâce à des slogans du genre "Chimiothérapie par le rire" ou "Faut être malade pour écrire ça". Je trouve que c'est formidable et je voue une admiration réelle aux personnes qui sont capables de relativiser ce qui leur arrive même quand c'est la catastrophe. En fait, je suis en pâmoison parce que ces personnes illustrent à merveille le virement à 180 degrés que je nous crois tous aptes à faire et auquel j'aspire tant.

Mais voilà où le bât me blesse. Je ne suis pas du tout certaine que je serais capable de déclarer "Le cancer du cerveau, c'est entre les deux oreilles que ça se passe" si j'apprenais une aussi terrible nouvelle. Trouverais-je la force de prendre les interventions chirurgicales, les traitements, les malaises, les douleurs avec un grain de sel? Je panique pour deux points de suture. Vous ne m'avez pas vue ce matin quand j'ai enlevé mon "gros" pansement. Je n'osais même pas regarder. Heureusement que l'Homme était là pour me rassurer : "Ouais, c'est bien le résultat de la boucherie."

Et comme si ce n'était pas suffisant. J'angoisse aussi à l'idée que je devrai peut-être me taper deux ou trois livres de recettes si j'ai à traverser l'épreuve de la maladie. Vous savez ce que c'est. Dans ces moments-là, il y a toujours un bon samaritain pour vous conseiller LE livre qui va vous aider à comprendre ce que vous vivez et vous donner les étapes à suivre pour naviguer sereinement dans les eaux tumultueuses où vous avez été précipité. Moi je déteste ce genre de livre. Je ne dis pas que les propos ne sont pas intéressants ni qu'ils ne peuvent pas répondre à un besoin. C'est juste que je voudrais que la recette soit facile à comprendre et surtout rapide d'exécution. Comme en cuisine. Je ne choisis jamais une recette qui comporte plus de trois étapes. J'aime préparer la bouffe mais cela doit se faire dans un minimum de temps et avec un maximum de saveur.

J'imagine que, même sans l'écrire, chacun en vient à développer sa propre recette pour réagir aux coups durs. Faut croire aussi que l'inspiration vient au moment où l'on s'y attend le moins ou, mieux encore, au moment où on en a le plus besoin. Je garde donc le cap mais en continuant de virer à tribord.

Pendant ce temps, à l'autre bout du spectre, l'angoisse du Fils. Elle découle de notre plus récente visite à Belle-Maman dans son centre avec clowns compris. L'Homme et moi avons raconté à notre progéniture que nous nous étions retrouvés à notre corps défendant bénévoles d'un jour à cette occasion puisque nous étions arrivés en pleine séance de musicothérapie. Nous connaissions un peu l'intervenante que nous avions déjà rencontrée lors d'une précédente visite et nous connaissions surtout les belles chansons françaises qu'elle interprétait en jouant de la harpe. Oui, vous avez bien lu, de la harpe. C'est inusité mais ça marche. Bref, en nous voyant entrer dans le petit salon où était Belle-Maman et en constatant avec quel entrain nous pouvions l'accompagner, elle nous a rapidement inclus dans son mini-spectacle. C'était super chaleureux et sympathique d'entendre les voix chevrotantes ou hésitantes des personnes âgées qui retrouvaient, grâce à ces vieilles mélodies, des souvenirs de leur passé. Nous avons quand même étonné l'intervenante qui nous trouvaient bien jeunes pour savoir les paroles de toutes ces chansons. Et c'est là que nous avons déclenché l'angoisse du Fils.

Permettez-moi cet aparté et vous allez mieux saisir l'ensemble de la question. Le Fils n'a pas l'oreille musicale. Il a traversé toute sa maternelle en ne répétant aucune comptine et en ne fredonnant aucune ritournelle. D'après ses dires, comptines et ritournelles ne faisaient pas partie du programme scolaire... jusqu'à ce que la Fille fasse ses premiers pas à l'école. Contrairement au Fils, elle babillait sans arrêt et chantait constamment. Cela a eu pour effet de susciter régulièrement du Fils des déclarations du genre : "Eh! j'la connais cette chanson-là. Répète pour voir. Oui, oui, ça me dit quelque chose." Fin de l'aparté.

Vous comprenez mieux l'inquiétude ressentie par le Fils à la suite de notre aventure chez Belle-Maman. "Comment je vais faire moi, quand je vais être vieux? Vous savez que je suis incapable de me rappeler les mots d'une chanson, encore moins de fredonner un air quelconque", nous a-t-il déclaré, un peu paniqué. "T'en fais pas", que je lui ai répondu, "dans ton temps, c'est du métal qu'on va faire jouer. T'auras juste à crier et ce sera parfait!"

3 commentaires:

  1. Oooh, trop mignon la musique :)
    Pour ce qui est de vivre avec la maladie, je ne crois pas que ça peut vraiment être simple... À moins d'être vraiment équipé expressément pour ça depuis la naissance, et on ne le souhaite à personne. De mon côté je fais mes petits pas aussi. Je me dis que, rendue à un âge plus vénérable, je saurai peut-être faire face aux aléas de la santé avec plus de sérénité. Mais les choses qu'on peut apprendre des personnes, c'est plus dur de les apprendre dans un livre. Il me semble que le contact ne se fait pas de la même manière. Je voudrais bien rire, mais souvent je ris jaune. Bref, je travaille là-dessus, je te ferai un compte-rendu des résultats! Question de continuer au moins à sourire :)

    RépondreSupprimer
  2. Je suis parfaitement d'accord avec toi pour les choses que les personnes peuvent nous apprendre. Rien ne peut remplacer un vrai contact.

    Pour ce qui est de l'humour, je peux te dire qu'avec mes années de vie avec l'anxiété, j'ai fini par apprendre à voir le côté amusant de cet aspect pas toujours agréable de ma personnalité. C'est sûr que lorsque je suis en plein dedans, moi aussi je ris jaune. Mais dès que j'en sors, des fois je me trouve tellement drôle avec toutes mes peurs. C'est là que je vois l'importance de prendre du recul. :))

    RépondreSupprimer
  3. Hehe, en effet! En tout cas tu nous en fait profiter, j'aime beaucoup les aventures de l'hypocondriaque! Je suis contente que tu puisses en rire! :)

    RépondreSupprimer